Fafa a écrit:En revanche, je ne vois rien de féministe dans ce film...
(ça ne me manque pas, cela dit).
Les deux femmes sont au contraire anti-féministe au possibles, dans leur quête de la féminité plaisante aux hommes.
Le film dénonce précisément le monde dirigé par des hommes (le principal dans le film se prénommant... Harvey) et qui contraint les femmes à se complaire aux idéaux de ces hommes, sans quoi elles sont remplacées sans ménagement dès qu'ils estiment très vaguement, de façon très abstraite, que "quelque chose a disparu" en elle (le repas entre Elisabeth et Harvey).
C'est un monde patriarcal qui forme les idéaux féminins (auxquels Elisabeth ne correspond supposément plus, auquel Sue pense se conformer) ainsi que les mythes qui sont créés en miroir de ces idéaux : Elisabeth comme Sue doivent mettre en place des stratégies de vie permettant de se conformer à ce que leur environnement patriarcal leur fait penser qui est attendu d'elles. Non seulement ça leur est parfois directement imposé (par Harvey et sa clique de vieux croulants - eux ne sont pas mis à la retraite forcée à cause de leur âge), mais elles finissent par se l'auto-imposer : puisque c'est le récit généralisé depuis des décennies, il n'y a presque pas besoin de les contraindre concrètement, elles s'y conforment pour ainsi dire d'elles-mêmes : Elisabeth en s'auto-détruisant (puis en continuant de le faire), Sue en maintenant sans pitié (pour elle ET pour les autres, puisque ce monde finit par mettre les femmes en compétition entre elles) l'image qu'elle imagine attendue d'elle. Le système ne fonctionne pour aucune d'entre elles : Elisabeth est vite vampirisée par Sue, emmerdée quand Elisabeth se venge, les plongeant toutes deux dans une spirale infernale contre-productive et qui littéralement les tue mais qu'elles estiment être obligées de perdurer, perdant de vue les choses simples (le personnage de Fred).
Et en bout de chaîne, tout cela est fait pour un public plus ou moins sciemment inconscient d'alimenter tout cela (le final), se complaisant dans ce status quo du culte de l'image, du mythe de la jeunesse éternelle (et à l'opposé l'enfer du vieillissement physique) (enfin, pour les femmes, donc), du culte du corps qui va avec, et toutes les représentations visuelles structurelles qui accompagnent cela (l'ironie voulant que la préparation de Qualley pour son rôle est passé exactement par là).
On peut trouver le propos du film superficiel ou, disons, peu original, mais le postulat du film est clairement une dénonciation de la situation vécue par les deux femmes, et c'est assez surprenant de penser au contraire que le film approuve cela. Le sort de ces femmes est clairement le cœur du film. Fargeat en a dit, je cite, que c'est "un film très symbolique sur la construction sociale d'habiter le monde, notamment sur comment les contes construisent les mythes culturels qui créent les carcans dans lesquels on finit par s'enfermer à force de vouloir y correspondre", et c'est un aspect plusieurs fois martelé par le film.