Je vais essayer de donner mon point de vu qui d’une certaine manière rejoint ceux de Tellouck et Laurent. Mais je voudrais simplement ajouter qu’il convient de rester d’une humilité de circonstance lorsqu’on aborde ce qui au fond nous enjoint à nous interroger sur l’art lui-même. Il existe quelques tonnes de littérature sur le sujet… Alors malgré le ton employé ci-dessous, n’y voyez rien d’autre qu’une simple volonté de structurer des idées embryonnaires avec toute la rigueur respectueuse que le sujet m’inspire.
Je pars depuis ton post Katam mais je réagis bien sûr également aux propos qui le suivent.
Katam a écrit:De mon point de vue un film cryptique qui n'est compréhensible que par une minorité c'est un film raté. Comprenez moi bien, je veux bien qu'un film ait plusieurs niveaux de lecture dont certains très peu accessibles, [ …/…] Pour moi l'art ca doit être compréhensible par tous, la valeur universelle doit être une des premières à considérer, comme son intemporalité. Le reste c'est du bonus en quelque sorte, un film a pour but premier de faire ressentir, tout l'intellectuel qu'on veut bien leur porter (Et encore, j'ai jamais vu de film que je pourrai qualifié d'intellectuel, certain sont plus durs à appréhender mais généralement c'est plus au niveau de l'ouverture d'esprit qu'il faut chercher) ce n'est qu'un ajout qui outrepasse sa dimension artistique.
Pour commencer l’art ne « doit », selon moi, rien du tout. Quand il tend à rendre des comptes, on s’approche dangereusement d’une création visant une marchandisation qui malheureusement se généralise dans tous les domaines artistiques. De mon point de vu et dans l’absolu, l’art ne vise aucun autre but que de répondre à l’aspiration de son créateur. Bien sûr d’aucun espérant (généralement) trouver une audience, sa démarche pourra en tenir compte. Initialement, la démarche créative ne vise pas s’adresser à une catégorie élitiste ou populaire. Il se trouve qu’elle vivra auprès d’un public qui y sera sensible. A moins bien sûr qu’elle ne participe d’une idée d’ordre politique au sens large (éducative…).
C’est respectable mais c’est un parti pris qui ne renvoie pas à une légitimité absolue.
Pour poursuivre mon propos, je parlerais de plaisir.
L’art ne s’impose à personne. Seul le plaisir qu’il procure lui assurera une audience aussi relative soit-elle. Alors si je devais m’arrêter là et un peu par provocation, je serais tenté de te demander « où prends-tu ton plaisir ? ».
A mon avis cette question provocatrice renvoie à celle de sa propre culture.
Je prendrais deux exemples extrêmes en dehors du cinéma en partant du principe que cette question est transversale. Le fameux bleu de Klein et la musique diaphonique. Ce sont des œuvres qui, généralement, procurent un enthousiasme très relatif et plutôt d’ordre sarcastique au plus grand nombre… Que faut-il en penser ? Que ces œuvres ou courants n’ont pas lieu d’exister au prétexte qu’ils ne procuraient du plaisir qu’à certains ?
L’ouverture d’esprit sensible, que vous appelez de vos vœux ne se décrète pas. Elle émane d’une éducation à la discipline permettant si ce n’est d’en posséder toutes les clefs de lecture, d’en appréhender les œuvres sans a priori, sans jugement de valeur lié à leur opacité.
La poésie, discipline clivante s’il en est, s’apprend à l’école. Elle s’analyse, elle est techniquement codifiée. Même lorsqu’elle émane du génie inconscient de son auteur, elle dit quelque chose du monde. Il est à mon sens très rare qu’elle soit accueillie favorablement, par un public qui n’ait été sensibilisé directement ou indirectement à la matière. Le comportement des enfants à cet égard est significatif dans tous les domaines.
Or le cinéma est une discipline artistique (scoop
).
Le tour de force de Melancholia réside dans sa capacité à visiter un concept intellectuel en s’attachant toutefois à proposer une narration et une esthétique propre à donner du plaisir dans une lecture au premier degré. Je suis tout à fait en accord avec Kishizo la dessus. Encore que la figuration des personnages, comme les tableaux symboliques, on l’a vu, sont de nature à en rebuter certains.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un film intellectuel. Le mythe d’Ophélie… Tout comme l’est bien évidement The Tree of Life qui ne se contente pas par sa poésie d’être beau mais de dire quelque chose de la pensée de son auteur et peut être quelque chose du monde. C’est un film d’une esthétique relativement accessible, encore que Laurent nous éclaire assez sur ce qui le rebute. Lui objecter qu’il n’a pas la bonne approche est déjà en soit signifiant.
Lorsque j’étais plus jeune je pestais après les intellectuels qui ne s’adressaient qu’à l’élite. Que ne donnent-ils les clefs du monde au monde par la diffusion de la connaissance ? Je sais aujourd’hui que la question est complexe.