Bon ! Allez ! C'est parti ! On y va !
Pardon les amis, mais je dois vous dire que de ce concert-là, il m'a fallu deux jours pour redescendre sur terre !! Car je dois vous dire que c'est un des plus pulsants concerts, sinon un des meilleurs, auxquels j'ai pu assister ! Ah ! Bon sang ! C'était quelque chose !!
Mercredi soir, aux abords du New Morning, c'est bondé de monde. Marcus a fait le plein ! C'est bon signe ! Ca veut dire que ça va être plein, que ça va chauffer, qu'il devrait y avoir de l'ambiance !
Aller ! Je fais durer un peu le plaisir !... Histoire de laisser cette musique puissante et extraordinairement rythmée revenir tout doux... tout doux...
Connaissez le New Morning ? Pour ceux qui ne connaissent pas, rapide mise en contexte ! Paris, 10 ème arrondissement. Pas du tout le quartier des club de jazz ! Ici, on est en plein quartier turc, à deux pas de la Porte de Strasbourg, devant laquelle passent les Grands Boulevards et leur flot inaltérable de bagnoles klaxonnantes...
Il fait chaud ! Bon sang ce qu'il fait chaud ! Dans la rue des Petites Ecuries, c'est le bordel, un livreur a laissé sa camionette au milieu de la carpette... ça klaxonne à tout va, ça braille de partout... c'est un beau bordel... ça déborde de vie... tout c'que j'aime !
Mince ! 21 h 30 ! Pffff... On attend ! Fait chaud ! Le New Morning, il est coincé là, dans cette rue, il est incongru ici, même le bar d'en face n'a rien d'un bar branchouille genre sorties de concerts !! A chaque fois que je viens ici, je me demande qui a bien pu avoir l'idée saugrenue de venir engoncer un club dans ce quartier ! Faut dire que le quartier, depuis l'implantation du New Morning, il a pas mal évolué !...
Ca y est, ça avance ! On entre ! Oh Bon sang, c'qu'il fait chaud là-dedans ! On va crever, c'est pas possible ! Paraît qu'ils viennent de "restaurer" les extracteurs de fumée. Tant mieux ! On survivra peut-être !! C'est pas sûr... on va essayer !!
Toujours pour ceux qui connaissent pas, le New Morning, c'est un petit club tout en longueur, le genre d'endroit où l'on sent tout de suite que l'important ici, c'est la musique... et rien d'autre ! Et justement, ce soir, on est tous venu voir et écouter Marcus Miller, une pointure de la guitare basse, un fou furieux du slap et du tapping, un sacré funky man !...
Et on l'attend... et il fait chaud... et la salle est pleine à craquer... et bon sang on tiendra jamais jusqu'au bout !... et en plus, le groupe a déjà joué à 19 h 30... si ça s'trouve, ils seront morts... ça sera nul... et y'a l'imposant Poogie Bell, le batteur, qui vient d'arriver sur scène avec son magnifique tee-shirt gris "Notre-Dame"... et Roger Byam, le sax... et Michael Patches Steward, la trompette... et Dean Brown, la guitare électrique... et le clavier, Bruce Flowers... Aîe aïe aïe !! Fait chaud !!
Mince ! Il est où Marcus ?! Sa Fender est là, devant nous, toute droite, qui nous nargue... Il y a aussi sa clarinette, son sax, toute son artillerie instrumentale... car le gus joue de plein d'instrument, tiens !!
Tiens ! Le voilà le Marcus, avec sa tronche d'Huggy-les-bons-tuyaux et ses airs de Maurice Green et sa démarche de rappeur ! Le voilà qui prend sa Fender comme s'il récupérait son troisième bras... Ca chauffe ! Ca chauffe !! Ca craque de monde ! C'est plein à craquer ! Et paf !! D'un coup !! Le Marcus, il fait sa bouche des mauvais garçons, il regarde le public d'un air mauvais, et tlac tlac !! Il se met à tapper sur les cordes de sa guitare comme un fou furieux, il tape presque autant que l'imposant Poogie Bell sur sa batterie ! Ses deux mains se mettent à virevolter frénétiquement sur les cordes de la basse ! Ouf !! C'est pas un bassiste, là, c'est un batteur !! Il cogne sur les cordes de sa guitare que ç'en est impressionnant ! Et voilà que c'est parti !!
Ah ! Pour être parti, c'est parti !! C'est parti comme un missile, ça explose de partout ! Le public crève de chaud ! Les musiciens crèvent de chaud ! On est tous en sueur ! Il va s'passer un truc ! Ah ah !! Ils vont se lâcher ! On va les aider ! Marcus est parti comme un fou furieux, il provoque les musiciens, il tappe, il slap comme un dingue ! Y'a un rythme funky, mon ami, du tonnerre ! La trompette est déchaînée ! Michael Steward est trempé de la tête au pied ! Ils poussent tous comme des fous furieux ! C'est pas Dieu possible, ça va craquer ! Ca talonne dur dur dans le grave, c'est limite saturation, on est aux limites de partout de toute façon, une puissance sonore à t'en faire péter les tympans, bon sang c'que ça cogne fort ! Ca cogne ! Ca groove ! C'est funky à mort ! Wouhaaaa !!
Et les morceaux s'enchaîne ! Le public est aux anges ! Dean Brown en fait un chouya un peu trop, on sent qu'il cherche à attirer l'attention, mais bon, faut qu'il assure, l'autre en face, il va l'écraser s'il se montre pas ! Il est déchaîné Dean Brown ! Faut qu'il s'impose ! C'est la guerre ! Derrière, Micheal Steward fait exploser sa trompette, tandis que Poogie Bell tape comme un sourd !
C'est la guerre, ça joute de partout, Marcus les provoque les uns après les autres ! Allez ! Vas-y mon gars ! Tiens ! Prends cette ligne de basse, !Qu'est-ce que tu m'réponds ?! Vas-y lâche toi ! Ca n'arrête pas ! On ne s'entend plus ! Bon sang quel bordel !!
Trois quarts d'heure comme ça ! Ininterrompus ! Du funk du meilleur cru ! Un rythme puissant et ravageur ! Une envie de se faire plaisir entre guerriers ! Y'a pas d'soucis, on n'en meurt pas ! Lâchons-nous, c'est la der des der ! Ahhhh ! La pause, elle a duré 10 secondes, le temps d'entendre l'affreux bourdonnement dans mes oreilles...
Et... paf paf !! Ca repart de plus belle ! Il en veut Marcus ! Ca se sent ! Il a envie de nous faire plaisir ! Il le sait qu'on est venu pour voir ses doigts s'amuser sur les cordes de sa basse... il en rajoute un peu... Il fait le spectacle, un peu... Et ça repart, sérieux, très sérieux !... nerveux, très nerveux !... Funky, très funky !... Comme toujours, le fantôme du grand Miles est là, sur scène, on pense à lui, on joue pour lui, sa musique à lui ! On donne tout ce qu'il reste !! C'est splendide ! C'est ébouriffant !
Au bout d'une heure et demi, tout le monde est inondé dans la salle ! On crève de chaud comme c'est pas possible ! Les musiciens sont trempés des pieds à la tête ! Marcus, avec son petit chapeau et sa tronche d'Huggy n'en a pas assez ! Il appelle les musicos ! Le sax Roger Byam, un peu en retrait, un peu timide, un peu pas là, ça plait pas à Marcus ! Faut t'bouger mon gars qu'il a l'air de lui dire en s'approchant ! Tiens ! Fais la même chose ! Ah bon ? Tiens ! Cette ligne de basse, ça te dis quelque chose ? Roger fait son boulot... sérieux... il veut qu'on le laisse tranquille... Heureusement que Michael Steward est en forme... il nous fait un magnifique hommage à Miles Davis, plein d'émotion ! Sa trompette explose ! La sono tient le coup ! Ca tient du miracle ! Poogie Bell cogne toujours autant sur sa batterie ! Dans la salle, on jubile ! On n'en peut plus mais on jubile ! Marcus, lui, il s'amuse comme un gamin surdoué qui se demande ce qu'il va bien pouvoir inventer de nouveau sur sa guitare ! Il joue de toute les manières possibles et imaginables ! Il fouette ! Il tape ! Nerveusement ! Il frotte les cordes ! Il tricotte comme une couturière ! Il joue plus vite sur sa basse que Dean Brown sur sa guitare ! Dean le sait, il fait un peu semblant d'accepter la joute, pour pas refuser, mais il n'insiste pas ! Il préfère lutter tout seul... c'est plus simple...
Au bout d'une heure et demi, on n'en peut plus ! Tout le monde est cuit ! On rend les armes ! L'armistice est déclaré ! Cette heure et demi de jazz-funk de haute volée nous a comblé ! Le public est heureux, ça se sent ! Les musiciens sont hors service, ça se voit ! Tout le monde est d'accord, on r'met ça à la prochaine fois ! Promis juré !!
La guerre est finie ! La musique est victorieuse ! Bon sang quel spectacle !!
Rideau !!
Fred
ps : Ch't'avais bien dit, Chouette, qu'ils se lâcheraient pour la der des der !!
» 24 Juin 2003 14:57 
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