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Musique enregistrée : BLURAY, CD & DVD musicaux, interprètes...

Mahler prophète du XXeme siècle

Message » 17 Fév 2005 0:17

Bonjour à tous,

voila un disque qui me laisse perplexe :

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Il s'agit d'une vision de Mahler qui, pour résumer, le présente comme Juif converti dont la musique prophétise l'holocauste. Différents grands thèmes sont adaptés pour un ensemble jazz, qui les joue comme une musique juive d'Europe centrale.

Le résultat est... troublant. Musicalement, c'est très étonnant (pas toujours convaincant) : on entend par exemple l'Abschied du Chant de la terre sous forme de plainte chantée en hébreu (yiddish ?). Ce qui est sûr, c'est que ma façon d'écouter Malher dans des versions "normales" n'est plus du tout la même depuis que j'ai entendu ce disque. La dimension tragique toujours présente chez Mahler, sous-jacente ou explicite, se mue depuis en une réelle angoisse devant quelque chose d'inconnu... C'est très difficile à exprimer avec des mots.

J'aurais voulu avoir l'avis des connaisseurs de Mahler (il y en a d'éminents sur ce forum) sur cette approche, et s'ils connaissent ce disque ce qu'ils en pensent.
bradest
 
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Message » 17 Fév 2005 9:13

bradest a écrit:Il s'agit d'une vision de Mahler qui, pour résumer, le présente comme Juif converti dont la musique prophétise l'holocauste. Différents grands thèmes sont adaptés pour un ensemble jazz, qui les joue comme une musique juive d'Europe centrale.

Le résultat est... troublant. Musicalement, c'est très étonnant (pas toujours convaincant) : on entend par exemple l'Abschied du Chant de la terre sous forme de plainte chantée en hébreu (yiddish ?). Ce qui est sûr, c'est que ma façon d'écouter Malher dans des versions "normales" n'est plus du tout la même depuis que j'ai entendu ce disque. La dimension tragique toujours présente chez Mahler, sous-jacente ou explicite, se mue depuis en une réelle angoisse devant quelque chose d'inconnu... C'est très difficile à exprimer avec des mots.

J'aurais voulu avoir l'avis des connaisseurs de Mahler (il y en a d'éminents sur ce forum) sur cette approche, et s'ils connaissent ce disque ce qu'ils en pensent.


Oui, il y a des amateurs et des connaiseurs de l'œuvre de Gustav Malher.
Je ne suis pas spécialiste de ce compositeur, qui est pour beaucoup l'un des trois ou quatre plus grands symphonistes que la Terre ait porté ( si la notion de "plus grand" en musique, n'est pas considérée comme une ânerie).

Je ne connais pas ce disque de Uri Caine, et connais mal le travail d'Uri Caine et son ensemble. Cela fait en partie penser aux interprétations qu'un musicien ou qu'un groupes de musiciens se font de l'œuvre d'un Maître du passé. Par principe, elle est valable, si elle ne ment pas sur la vérité historique de la vie et des témoignages de la pensée de l'artiste modèle.

Malher est probablement le compositeur qui a nourri le plus de littérature, de la très sérieuse (Henry-Louis de la Grange : "Gustav Malher" et Adorno : "Malher: une physionomie musicale"), le roman de gare et le "n'importe quoi".

Malher était juif, dans la société autichienne et la ville de Vienne de cette époque, cela a été évidemment significatif dans la personnalité, l'imaginaire et le développement de son œuvre. Leonard Bernstein a fait quelques démonstrations, avec des extraits d'œuvres, sur les infuences de la judaïté de Malher. Mais tout expliquer et tout résumer à cela… c'est aller trop vite et trop fort.
Un artiste n'a que son artisanat comme possibles certitudes… souvent de son art, il en a le doute. Ce sont les appréciations des autres qui y entendent son art.
Ce fut le cas de Malher d'ailleurs, grand malade par le doute. Il mit en œuvre ses symphonies, l'architecture et les nouveaux alliages d'orchestrations grâce à sa fonction de chef d'orchestre et les expérimentations que celles-ci lui permettaient. Sans oublier les confrontations régulières avec les grandes symphonies des maîtres du passé encore récent à l'époque (Beethoven).

Lorsque l'on connait les préoccupations d'un compositeur au moment de la composition, tout les discours porte-drapeaux (qui peuvent être de bonnes intentions) où auréolés de mysticisme me semble dérisoires. À moins que l'artiste ait précisé les rapports de son œuvre à une religion particulière. Nous en avons beaucoup d'exemples par le passé, puisque la majorité des œuvres étaient sacrées jusqu'à la période pré-classique, et nous n'écoutons et n'expliquons pas tout à travers cette vision…

J'ai jeté quelques commentaires… un peu de bon matin… tout cela pour te dire qu'éclairer en partie l'œuvre de Malher par sa judaîté, c'est intéressant et fondé. Mais, comme je le dis plus haut, n'en faire que cela, est vraiment très réducteur.

C'est comme dire que Mozart ne s'explique que par la franc-maçonnerie… mais là c'est un autre sujet…

Bonne journée Bradest… :wink:

Gilles
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Message » 17 Fév 2005 11:19

Uri caine est en effet un artiste qui a adopté une démarche très intéressante, qui peut être considérée en un certain sens comme "originale" et qui en fin de compte correspond à une grande tradition du Jazz qui consiste à improviser à partir de répertoires extérieurs : de la variété au classique en passant par tous les styles et folklores.

dans le cas uri caine/ Mahler, c'est la culture musicale juive qui crée un lien particulier entre le compositeur et le jazzmann soulignant une parenté qui se manifeste par des moments jubilatoires lorsque les mélodies de mahler ainsi revues et corrigées nous entrainent dans des danses joyeuses qui n'ont rien à envier à la célèbre corrégraphie de Rabby Jacob...

J'en profite pour mentionner l'album d'Uri caine que je préfère : the sidewalks of new york - tin pan alley..c'est une espèce de film sonore évoquant les ambiances des rues et des cabarets de new york au début du 20eme siecle....Un très grand disque plein de nostalgie, très bien servi par des musiciens et chanteurs qui ont su s'imprégner jusqu'au bout des ongles de la musique de cette époque sans jamais la trahir...à écouter en continu...c'est absolument splendide...

Blounote :wink:
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Message » 17 Fév 2005 12:28

bradest a écrit:Le résultat est... troublant. Musicalement, c'est très étonnant (pas toujours convaincant) : on entend par exemple l'Abschied du Chant de la terre sous forme de plainte chantée en hébreu (yiddish ?). Ce qui est sûr, c'est que ma façon d'écouter Malher dans des versions "normales" n'est plus du tout la même depuis que j'ai entendu ce disque. La dimension tragique toujours présente chez Mahler, sous-jacente ou explicite, se mue depuis en une réelle angoisse devant quelque chose d'inconnu... C'est très difficile à exprimer avec des mots.


En remerciant bluenote de ses précisions, je complète mes propos en te "rassurant"… Gustav Malher n'a pas écrit une musique de tout repos. Qu'une adaptation où une interprétation t'apporte du trouble et une certaine angoisse… c'est si j'ose dire "normal". Cela vient aussi de la multiplicité des significations et des perceptions possibles d'une grande œuvre… et rien n'est définitif. Ta perception dans d'autres contextes changera probablement…
Gilles R
 
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Message » 17 Fév 2005 16:50

Merci pour vos commentaires. Cela me confirme l'impression de sincérité que j'ai perçue dans ce disque, mais que mes maigres connaissances musicales ne permettaient pas de juger (je ne connaissais pas du tout Uri Caine, et ma connaissance de Mahler est assez superficielle).

Bien entendu, Mahler ne peut être réduit à cette seule vision qui serait comme tu dis Gilles vraiment réductrice, et je n'ai pas l'impression qu'Uri Caine ait voulu faire autre chose qu'ouvrir une porte pour des gens comme moi qui écoutent Mahler de façon assez neutre, pour la beauté et l'émotion immédiate de sa musique, mais sans chercher à "gratter" derrière. Je suis content d'apprendre de Bernstein a eu la même démarche, sans doute dans un autre style.

Sinon Gilles c'est moi qui te rassure, je pourrai toujours écouter Mahler sans me jeter par la fenêtre :wink:. Ce que je voulais dire, c'est que je perçois maintenant dans sa musique une angoisse latente, qui court de façon continue, là ou je n'entendais avant que de la musique post-romantique laissant paraître les doutes et la complexité de l'auteur, mais sans dimension "universelle". La porte ouverte par Uri Caine permet de "progresser" dans l'écoute de Mahler, et c'est à ce titre que son disque est intéressant.

Et puis merci Blounote pour "the sidewalks of new york - tin pan alley", que je vais vite trouver, ce que tu en dis est vraiment alléchant.

B.
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Message » 11 Juin 2007 22:04

Déterrage bien profond...

Une plage de ce disque (adaptation du 3ème mouvement de la 1ère symphonie) était au sujet de l'épreuve de musique du bac L cette année ! Comme quoi, pour préparer le bac, rien ne vaut les forums... :o
bradest
 
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Message » 12 Juin 2007 0:26

Bonsoir,
je ne connais pas Uri Caine mais je suis passionné par Mahler; réduire ses influences à sa simple juidaïté est certes un peu court comme il a été dit plus haut. Il n'en reste pas moins que sa musique en porte une profonde empreinte.
Sans parler en détail de sa conversion au christianisme dont quelques unes de ses symphonies sont également inspirées (la 2ème et la 8ème pour ne citer que celles ci) il ne faudrait pas oublier de mentionner les grand maitres de G.Mahler à l'époque et qui ont influé énormément sur ses compositions , Wagner et Bruckner.
Mambosun
 
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Message » 12 Juin 2007 10:53

bradest a écrit:Déterrage bien profond...

Une plage de ce disque (adaptation du 3ème mouvement de la 1ère symphonie) était au sujet de l'épreuve de musique du bac L cette année ! Comme quoi, pour préparer le bac, rien ne vaut les forums... :o


Cette info mérite effectivement ce déterrage :wink:
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