» 19 Sep 2013 16:39
La seule chaîne US qui peut se permettre de conserver des séries pour des questions d'image, c'est HBO, vu que leurs revenus reposent sur les abonnements par sur la pub. Showtime et Starz, qui sont aussi des chaînes premium sans pub, ont tendance à annuler les séries bien plus vite si l'audience ne suit pas.
Sur le câble "basique", une saison de 13-16 (dans le cas de The Walking Dead) épisodes est généralement bouclée avant la diffusion du premier épisode (tourner en continu, ça réduit les frais et ça optimise tout ce qui est logistique), et donc si les audiences ne suivent pas ça sera malgré tout diffusé (car produit et payé).
Un exemple récent de série dont les audiences étaient microscopiques mais qui a réussi à être renouvelée par HBO, c'est Enlightened, une comédie dramatique de Mike White (scénariste de Rock Academy et de quelques autres trucs intéressants) avec Laura Dern. La série a tenu deux saisons. Les rares avis critiques étaient généralement dithyrambiques, la saison 2 a été adossée à une série "compatible", Girls (qui marche bien, mais qui ne réalise pas non plus des scores façon Veep) mais ça n'a pas été suffisant.
Sinon, d'autres séries qui ont pu passer au travers des mailles du filet :
- Community, aujourd'hui de retour pour une saison 5 malgré le départ (puis le retour) du créateur, le départ de Chevy Chase et maintenant de Donald Glover (Troy)
- Chuck, qui a été sauvé deux ou trois fois par des campagnes de fans
- Rules of Engagement, qui a vivoté trois saisons
- Fringe, qui a survécu près de deux ans le vendredi soir (le mouroir habituel pour une série)
- The Killing ou The Sarah Silverman Program, annulés une première fois puis renouvelés pour une saison 3 grâce à l'apport financier d'une autre chaîne
Je passerai sur la théorie comme quoi les chaînes garderaient des séries prétentieuses pour les récompenses. C'est complètement fumeux parce que même si les chaînes visent des récompenses, ça n'est pas une fin en soi, mais c'est un moyen pour "vendre" la série. Une série qui cartonne aux Emmys, ça assure plus de curiosité pour la saison suivante et ça aide les ventes de DVD.
Certes, il y a des films qui sont produits pour être montrés dans des festivals mais qui n'auront sinon pas de carrière. Comme me l'avait dit un type qui bossait pour une société de prod française, les PDG de France Télévisions exigent des gens de la co-production sur France 2 ou France 3 qu'ils financent au moins un film par an qui sera retenu en compétition à Cannes, histoire de permettre au PDG de faire la montée des marches.
Un truc qui peut vraiment jouer, c'est que les patrons des programmes sur une chaîne vont hésiter avant de signer l'arrêt de mort d'une série sur laquelle ils avaient beaucoup misée au départ ou bien où il y a quelques grands noms au générique qu'on a intérêt à ménager parce que le public pourrait prendre leur parti ou qu'on ne veut pas compromettre de bonnes relations avec les gens en question. Exemple : Smash sur NBC, qui devait être la réplique adulte à Glee, avec Spielberg crédité comme producteur. Ça a très vite tourné au n'importe quoi mais la chaîne ne pouvait pas l'admettre tout de suite ou demander à Spielberg de cesser d'approuver les choix désastreux de la créatrice.
C'est aussi la raison pour laquelle Canal + ne peut décemment pas virer comme ça de Caunes du Grand Journal, même s'il ne trouve pas sa place comme présentateur. De Caunes, c'est l'"Esprit Canal" et on ne peut pas tirer un trait sur la figure la plus connue associée aux "valeurs" de la chaîne.
Il reste une dernière raison pour le maintien de certaines séries (notamment Community ou Fringe), qui est qu'elles apportent à la chaîne un public différent de celui qu'elle a d'habitude, qui ne regarde pas sinon la télé et qui correspond à un groupe démographique sur lequel elle n'a sinon rien à proposer. Community a des audiences minimales mais NBC cible avec ça un public plus jeune et plus branché, et si un annonceur veut passer des pubs de jeu vidéo, c'est la case horaire parfaite pour ça plutôt que sur un Law & Order.
De même, Fox a conservé Fringe malgré des audiences faiblardes parce que les patrons de la chaîne aimaient bien et parce que l'annulation brutale de Firefly ou de Dollhouse leur avait valu quelques années plus tôt pas mal de coups de gueule contre eux sur Internet.
Quant à The Killing, il s'est avéré que la série marchait très bien sur Netflix, qui a donc pré-acheté la saison 3 avec autorisation de la mettre en streaming trois mois après sa diffusion.