La scène se déroule lors d'une garden-party, au milieu des années 2000. Jacques Chirac est encore président et Nicolas Sarkozy, son ministre de l'Intérieur. Il déambule dans le jardin du Palais, noir de monde, comme chaque année le jour du 14 Juillet. Il tient sa femme Cécilia par la main. Le couple croise Valérie Trierweiler. Discrètement, Nicolas Sarkozy, sans lâcher la main de sa femme, se penche vers la journaliste de Paris Match et lui murmure à l'oreille : " Qu'est-ce que t'es belle! " Cela fait quelque temps déjà que Nicolas Sarkozy a repéré la splendide trentenaire.
[...] C'est lors d'un déjeuner avec un groupe de journalistes féminines que Nicolas Sarkozy décide de jeter son dévolu sur Valérie Trierweiler. Autour de la table, dans la salle à manger du ministère de l'Intérieur, place Beauvau, il y a ce jour-là Isabelle Torre de TF 1, Ruth Elkrief de RTL, et Valérie Trierweiler de Match. Nicolas Sarkozy semble particulièrement heureux d'être entouré de femmes. Il connaît moins Valérie Trierweiler, qui suit principalement la gauche et le président Chirac. Il en profite donc pour mieux faire connaissance avec la reporter. D'apparence froide et réservée, elle intrigue le ministre de l'Intérieur, qui la pousse dans ses retranchements. Comme à son habitude, il tutoie tout le monde. Il aime instaurer une forme de familiarité avec les journalistes, espérant la transformer en connivence. Profitant d'une remarque de Valérie Trierweiler sur l'une de ses récentes déclarations, il répond : " Oui mais toi, tu es une petite-bourgeoise ! Tu habites dans le XVIe, donc tu ne peux pas comprendre ce qui se passe dans les quartiers. Comme tous les journalistes, tu as un avis sur tout. "
Piquée au vif, elle réplique : " Je ne vous permets pas. Et, d'ailleurs, je n'habite pas le XVIe arrondissement. " Si Nicolas Sarkozy n'est pas gêné qu'on lui tienne tête, il aime aussi montrer sa puissance : " Ah bon, tu n'habites pas le XVIe ? Mais, tu sais, je suis ministre de l'Intérieur. Si je veux savoir où tu habites, je demande et on me donne l'information dans les dix minutes... Tu veux voir ? " Valérie Trierweiler lui lance un regard de défi. Le même qu'elle adressera quelque temps plus tard dans les jardins de l'Elysée au goujat qui lui glisse un compliment à l'oreille, tout en tenant sa femme par la main.
Amorcée par ces deux épisodes, la relation entre Nicolas Sarkozy et Valérie Trierweiler demeure conflictuelle. Il disait parfois à des proches: " Mais pour qui elle se prend, celle-là ? Je ne suis pas assez bien pour elle ? [...] Lorsqu'il apprend la liaison de Valérie Trierweiler avec François Hollande, la première remarque de Nicolas Sarkozy ne manque pas d'intérêt, si l'on se projette en 2012: " Comment a-t-il fait pour séduire un canon pareil ? "
[ Le 8 mars, Louis Sarkozy a jeté des billes et des tomates sur une policière en faction à l'Elysée, et l'information a fuité. Nicolas Sarkozy réagit. ]
Il demande donc aux services de police d'éplucher les incidents éventuels ayant pu concerner François Hollande et sa compagne. Les services tombent sur une affaire mineure mais qui apparaît très vite aux yeux du candidat Sarkozy comme une pépite : un procès-verbal de police citant l'un des fils de Valérie Trierweiler interpellé dans la rue en possession d'un pétard, quelques semaines plus tôt !
Dès le samedi après-midi, quelques heures après la révélation de RTL, les équipes du candidat font savoir à plusieurs journalistes que l'un des fils de Valérie Trierweiler a fait l'objet d'un contrôle, il détenait de la drogue. Interrogée par les journalistes " alertés " par l'Elysée, l'équipe de François Hollande s'efforce de donner la version précise de l'incident. Billes et tomates contre pétard... La plupart des rédactions, jugeant que la campagne électorale mérite mieux et, surtout, que les enfants ne doivent pas être placés sur le champ de bataille, feront l'impasse sur ces " informations ".
Mais Nicolas Sarkozy n'est pas homme à lâcher l'affaire. Dès le lundi, il fulmine contre les rédactions qu'il visite dans le cadre de ses interviews quasi quotidiennes en cette période électorale : " Cette affaire est beaucoup plus grave que celle de mon fils ! Or personne n'en parle. L'histoire de mon fils a fait une dépêche AFP et, là, pas une ligne. " [...]
Valérie Trierweiler, elle, est ulcérée. Nicolas Sarkozy a touché à ses enfants et donc a commis un manquement grave à ses yeux. Elle compte bien le lui dire en face. Peu importe où, mais le plus vite possible. Voilà pourquoi elle décide, entre autres raisons, d'accompagner François Hollande aux obsèques des militaires tués par Mohamed Merah. Cet homme de 23 ans a aussi exécuté froidement, quelques jours après, des enfants et un père de famille à la sortie d'une école juive. Il est abattu, le lendemain de ces funérailles nationales, lors de l'intervention du GIGN pour le déloger de son appartement.
Ce 21 mars, dans la caserne de Montauban, Valérie Trierweiler est donc présente au côté de François Hollande, avec les autres candidats à la présidentielle. Après la cérémonie, alors que Nicolas Sarkozy salue son adversaire socialiste, il croise le regard de Valérie Trierweiler. Des yeux noirs, foudroyants. Les caméras de télévision captent cette expression accusatrice, sans que nul ne se doute à l'époque qu'elle est celle d'une mère outragée. " Je voulais qu'il le voie, ce regard. J'aurais voulu même lui parler, trouver l'occasion de lui dire ce que je pensais de ce qu'il disait de mon fils dans les rédactions, confie le lendemain Valérie Trierweiler à un ami. Après tout cela, je suis blindée. Ils ne me font pas peur. "
Source : L'Express - Extrait du livre " La Frondeuse " ( Éditions Du Moment ) - 10/10/2012