Modérateurs: Modération Forum Oeuvres & Multimédia, Le Bureau de l’Association HCFR • Utilisateurs parcourant ce forum: Grammoux et 56 invités

Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

comment Stromberg influence Spielberg

Message » 06 Juin 2008 14:01

On a longtemps mésestimé l'influence que pouvait avoir Stromberg sur les autres réalisateurs. Il est temps de réparer cela avec une anecdote croustillante.

Le tournage du Retour de Mireille, quoique sorti sur les écrans en 1977 a été tourné à Los Angeles et New York en 1976 - de juillet à octobre plus précisément - Quatre mois assez éprouvants pour Spielberg car Olaf fait des progrès fulgurants en golf. L’écart entre les deux joueurs se réduit et le moral du réalisateur des dents de la mer s’en ressent.

Spielberg commence sérieusement à s’interroger. Depuis que, sur les conseils d’Olaf, il a visionné l’intégrale des films de Truffaud il se pose des questions sur lui, sur le cinéma, sur le monde, les planètes et les étoiles en général. Olaf comprend le désarroi de Steven et tente de l’éduquer sur le cinéma européen.

- tu vois, toi tu filmes encore comme un enfant. Il te faut des camions, des révolvers, des gentils et des méchants. Tu filmes tes peurs et tes angoisses. Tu as les chocottes de l'inconnu. Dans les Dents de la mer, tu cries au monde entier que t’as la trouille des poissons. C’est infantile. Un poisson, c’est gentil. Tu sais où placer la caméra mais tes centres d’intérêt sont trop prévisibles. Truffaud, lui, il met en scène la vie et les sentiments, son regard est complexe. Mais en même temps, il est simple. Il ne va pas jusqu'à filmer le regard de celui qui regarde le regard mais il s'en approche. Ses effets spéciaux sont une porte qui se ferme et ça, ça parle aux gens. Car tout le monde a au moins une porte chez lui. Tu trouves que Jean Pierre Leaud joue comme une patate et tu as raison mais c’est voulu. T’aimes l’angoisse ? ok. On va visionner La nuit du chasseur, le seul film de Charles Laughton, et tu vas essayer de comprendre pourquoi c’est un chef d’œuvre. Quand t’auras compris on enchaînera avec des films plus ambitieux comme « mais où est passée la 317ème compagnie » de Pierre Schoendoerffer...

Spielberg déprimera pendant un an puis se lancera dans le tournage de « rencontre du 3ème type » avec... Truffaud, justement. . Lors d'une forte remise des prix dans un grand magasin il expliquera à plusieurs ménagères que la musique si étrange qui a fait le succès du film lui est venu en écoutant la sonnette d'entrée de la villa de Stromberg. Il y a des hasards parfois...
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

La magie du différé

Message » 15 Aoû 2008 14:40

Petit à petit, l'oiseau fait son nid... les intempéries, excitent sa frénésie...

Nous ne pouvons que convier nos lectrices-lecteurs à consulter épisodiquement

http://www.flickr.com/photos/olafstromberg/

Ce lien virtuel nous relie à la réalité graphique de Stromberg. Ainsi la dernière mise à jour dévoile l'affiche suédoise de Mireille 2.
Exposée depuis plusieurs années au musée de la psychanalyse de Stuttgart elle ne cesse de nous interroger.

- Le précédent et le futur sont-ils réversibles ?
- Rorschach n'a-t-il dessiné que des papillons ?
- Le regard du regard est-il vraiment un nouveau regard ?
- Combien de volume papier faut il pour un volume d'eau dans la recette du ricard ?
- Le fond est-il dissociable de la forme ?

Autant de questions auxquels Tom, notre responsable visuel de Lyon, pourrait apporter des réponses s'il ne préférait se taire. En tout état de cause, nous ne pouvons, une fois de plus, que le remercier de mettre à notre disposition une partie de sa collection.

Faut-il rappeller qu'il possède aussi, dans un registre totalement différent, des photographies et documents d'appareils audiophiliques d'exception ?
Nous ne pourrions que l'encourager à réaliser une nouvelle vitrine de même facture pour la transmettre aux responsables du thread récent ouvert par bigfoot et consacré aux produits hauts de gamme oubliés. (section forum, haute fidélité, CR)

Bonne journée et à bientôt pour la suite de la filmographie d'Olaf Stromberg
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Message » 16 Aoû 2008 22:19

Vous lire est toujours aussi agréable et hilarant :lol:
Merci et ... encore !
Effcaash
 
Messages: 248
Inscription Forum: 07 Juin 2003 18:05
Localisation: Savoie
  • offline

actualités

Message » 17 Aoû 2008 15:29

Notre département "reception de courrier" nous prie d'insérer cette lettre ce que nous faisons avec grand plaisir.





Messieurs les administrateurs du thread « Olaf Stromberg »

Le village de Heligforsten en Suède – village natal de Veranda, proche amie de Stromberg – organise du 13 au 20 décembre 2008 une rétrospective de l’œuvre cinématographique du Maître.

Une semaine complète pendant laquelle le public assistera à la projection de presque tous ses films. La FCH (la fanfare à cuivre d’Heligforsten) dirigée par Gudrun Plömke, a composé pour l’occasion une symphonie dite – répétitive – qui accompagnera en direct les œuvres muettes de la pré-époque suédoise dite « de l’œuf ».

Un vaste goûter ponctuera chaque spectacle. Moyennant une minime participation aux frais, dont le coût est actuellement discuté en conseil municipal, vous pourrez vous délecter de tartines au Stenker (spécialité helvétique) mais aussi de saucisse traditionnelle.

Points forts de cette rencontre, le discours inaugural du maire avec un lâcher de poules mais aussi une photo de groupe autour de la célèbre caméra Misher Price prêtée pour l’occasion par un collectionneur écossais ainsi qu’une promenade dans l’Heligforsten médiéval en compagnie de monsieur le maire et du conseil municipal du village.

Les plus petits ne seront pas oubliés avec la présence d’un manège à vitesse stabilisée dont le décor original sera librement inspiré du film « le défi du magicien ».

Cette magnifique occasion de se plonger dans l’imaginaire Strombergien n’aurait jamais pu voir le jour sans les soutiens actifs de dizaines de bénévoles venus parfois des villages alentours. Un vaste parking gratuit situé à l’entrée Est du village accueillera facilement vos véhicules et un parcours fléché à la main vous dirigera vers le chapiteau de la place du général Wormst, rebaptisée pour l’occasion, square Olaf.
Je veux également profiter de l’espace que vous nous consacrez pour remercier vivement tous les partenaires privés qui nous soutiennent sans faille et dont nous réciterons les logos lors de l’inauguration, prévue le samedi 13 décembre à 14 heures à l’extérieur si le temps le permet.

Cette rétrospective, placée sous le signe de la convivialité et de la bonne humeur, s’inscrit dans un projet plus vaste : la création, dès 2009, d’une exposition intemporelle d’affiches de films de cinéma dans le préau scolaire couvert.

Nous espérons que l’ampleur de cette manifestation sera à même de relancer le tourisme dans notre si belle région qui a vu naître tant d’amis des Arts et qui , j’en suis sûr, servira d’écrin à vos prochaines vacances.

Le maire du village d’ Heligforsten
Et l’ensemble du conseil municipal
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Olaf parle de Yasser

Message » 28 Aoû 2008 16:46

Spectateur de sa contemporanéité, Olaf Stromberg en 1976 est invité à la télévision pour un débat politique passionnant mais soporifique. Nous avons encore tous en mémoire le morceau d'anthologie politique du cinéaste au sujet de la complexité des conflits du moyen orient. Interrogé sur Yasser Arafat et l’avenir de la Palestine, Olaf regarda le plafond pendant dix minutes. Puis, au moment où le journaliste allait quitter le plateau, en grand professionnel, il observa l'oeil de la caméra et, sans aucune note, se lança dans une formidable explication géopolitique :

Yasser Arafat, contrairement à ce que vous imaginez, n’est pas un mont ou encore une hauteur de l’Ile de la Réunion où l’on cultive des plantes qui font rire. Non, mesdames et messieurs, Yasser Arafat est un homme politique dont la vision est quelque peu troublée à cause d’un morceau de tissu sur la tête. Son point de vue en vaut néanmoins un autre.

Vous évoquez un homme mais que serait un homme sans son contexte ?

Revenons en arrière. Appuyé par l’Onu, la création de l’état d’Israël en 1948 s’est un peu déroulé sur la base d’un « cher collègue palestinien, pousse-toi un peu pour que je puisse retrouver la place de mes ancêtres dans un pays qui a vu naître ta famille depuis plusieurs générations. Concède moi l’antériorité historique et permet moi de récupérer les oliviers plantés par mon arrière arrière arrière grand-père et que tu as bien voulu arroser entre-temps. Merci »

Pas entièrement satisfaits de ces explications au demeurant limpides, les palestiniens assistent globalement impuissants, au ballet des pelleteuses qui rasent leur héritage et les forcent à se faire héberger chez les cousins limitrophes. La différence culturelle – hormis celle de l’olive – est assez grande pour que l’incompréhension fasse rapidement place à une violence physique.

Dès l’implantation en1948 on assiste au premier conflit israélo-arabe. La TransJordanie voisine, appuyée par la Légion arabe, récupère un petit bout de terrain.
Au moyen orient, rien n’est simple car cette Légion jordanienne est certes composée de volontaires arabes mais commandée à l’époque par des officiers anglais… Les amoureux du cinéma se replongeront dans le film « Lawrence d’Arabie » qui retrace l’épopée et la création de cette légion. Sans vouloir tirer de conclusions hâtives, des documents d’archives prouvent que Winston Churchill émettaient quelques réserves sur un état d’Israël trop puissant dans une partie du monde aussi primordiale aux économies occidentales. Les anglais ont toujours conservé une influence en Jordanie, un petit pays qui jouit d’une ouverture sur la mer morte, une autre sur la mer rouge ce qui est pratique pour faire du pédalo. Elle possède aussi des frontières avec l’Arabie Saoudite, l’Irak, la Syrie… Avec une bonne paire de jumelles on apercevrait presque le canal de suez.

Sur place les paradoxes deviennent la règle. Chacun voit midi à sa porte, même lorsqu’il est vingt heures. Les uns construisent non sans oublier parfois de détruire. Les autres se demandent comment résister à une situation dont ils ne perçoivent, à priori, aucun avantage à court, moyen ou long terme.
Le Mouvement nationaliste arabe, s’intéresse évidemment aux événements. Cet organisme qui vise à l’unité arabe prend sa source dans une université de Beyrouth au Liban. Des étudiants envisagent la nécessité de créer une unité intellectuelle d’élite pour, plus tard, mener le projet et gouverner. Nouveau paradoxe, cette université est… américaine.
Ailleurs, en Egypte, le président Nasser réfléchit et arrive presque aux mêmes constatations. Il faut fédérer, quitte à égratigner parfois les traditions. Le Nassérisme veut bâtir le panarabisme sur la base d’un socialisme non marxiste. Etonnement il revendique ouvertement une doctrine basée sur la laïcité.
A Damas, capitale de la Syrie, le parti Baas créé en 1947 prend moins de risques. Certes le projet d’union repose aussi sur la laïcité mais reconnaît implicitement la place prépondérante de l’Islam dans l’essor de la nation arabe. Les Baasistes connaîtront diverses ramifications et plusieurs succès. Ils sont au pouvoir en Syrie (NDLR : aujourd’hui encore) et Saddam Hussein, militant de la première heure, servira longtemps de passerelle entre les Baasistes Syriens et Irakiens. En 1968, à l’occasion d’un coup d’état, il prend le pouvoir en Irak et structure sur place le parti.
Yasser Arafat est né à Jérusalem selon lui, au Caire selon les documents. Tout petit, entraîné aux armes par un… allemand, il lutte contre Israël mais aussi contre les britanniques en livrant des armes en Palestine. Un jour, il se sent trahi par les forces arabes qui le désarment après une défaite. Il devient méfiant…
En 1959 il crée le Fatah. Installé à Gaza en ce temps là sous contrôle égyptien, le groupe politique et militaire palestinien proche de l’international socialiste prône la révolution pour créer un état de Palestine autonome et totalement indépendant des grandes puissances… y compris arabes.
Mais il faut financer la lutte et ce sont les pays voisins qui sont sollicités. TransJordanie, Liban, Syrie, autres…Les paradoxes sont nombreux.
Ainsi, les voisins Jordaniens hébergeront plus tard Yasser mais ne sont pas franchement très chauds pour la création d’un état palestinien indépendant. Ils jugent peut-être qu’il vaut mieux agrandir son propre territoire sur les décombres de sa collègue… Ce qui sera fait indirectement en 1950 avec une nouvelle appellation qui circule pour une partie de l’ancienne Palestine : la CisJordanie…
En politique moyen-orientale rien n’est simple. En 1964 la situation est confuse. Le Vatican ne reconnaît pas encore Israël et le président égyptien Nasser n’a pas l’intention de se laisser déborder sur l’aile par Arafat. Il a appris que des commandos pro palestiniens s’entraînent sur son territoire avec le soutien tacite d’une partie de la population. Nasser prend les devants et la tête de l’OLP qui regroupe des entités multinationales de plus en plus complexes.
Du 5 au 10 juin 1967 le cours de l’histoire s’accélère. L’Egypte bloque un détroit aux navires israéliens et la réplique est immédiate. En moins d’une semaine l’armée israélienne, le Tsahal, attaque « préventivement » les ligues arabes sur tous les fronts. L’état hébreu triple sa superficie. L’Egypte, la Syrie et la Jordanie soutenus par des troupes du Liban, des chars algériens perdent des territoires. Gaza et Sinaï pour Nasser, plateau du Golan pour la Syrie, Jerusalem Est pour les Jordaniens… De nouvelles colonies s’implantent…

Entre temps, certains pays détournent des cours d’eau pour assoiffer Israël, d’autres aimeraient discuter mais leurs peuples respectifs les en empêchent, les uns sont armés par les soviétiques, d’autres par l’Europe ou les Etats-Unis. Des accords secrets qui peuvent sembler antagonistes lient les uns aux autres pour rendre fous les diplomates les plus aguerris. Chacun surveille les moindres informations et, en exagérant, on pourrait dire que lorsqu’une mouche pète à une frontière le téléphone rouge se met à sonner. Il faut se rappeler qu’en 1956, lors de la crise du canal de Suez, le monde s’était réveillé dans une vision de cauchemar. L’Egypte voulait construire un grand barrage. L’Amérique allait financer. Puis elle se désiste sous la pression des français et des britanniques. Nasser avait nationalise le canal de suez et une alliance secrète entre Paris, Londres et l’etat d’Israël prévoyait une réponse militaire contre l’Egypte. Moscou menace Paris et Londres du feu nucléaire… L’Onu intervient et le soufflé, heureusement, se dégonfle. On a tous eu chaud. C’est ça le désert !

En temps que cinéaste, on m’a parfois reproché mon imprécision mais le regard qui regarde le propre regard du moyen orient est tout aussi complexe, en quelque sorte… Yasser Arafat est un terroriste selon vous mais, qui sait, peut-être un jour se verra-t-il décerner le prix Nobel de la paix.

NDLR : Cette affirmation fantaisiste avait fait éclater de rire tous les observateurs politiques de la planète. Olaf ne fut plus jamais invité à donner son avis sur le moyen Orient.
Dernière édition par peg-harty le 11 Nov 2013 13:42, édité 2 fois.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

1976 - suite

Message » 30 Aoû 2008 13:15

Mireille II, co-réalisé avec Spielberg, permet enfin à Stromberg de rencontrer les ténors du cinéma mondial. Producteurs, réalisateurs, scénaristes, actrices et acteurs de la capitale du cinéma se bousculent pour le rencontrer. Non pas qu’ils soient spécialement sensibles à la vision créatrice d’Olaf – Scorsese ira même jusqu’à dire « Ce Stromberg sent le varech et il est au cinéma ce que Kraftwerk est à la musique : un épiphénomène local sans portée réelle » - mais surtout car le microcosme hollywoodien s’ennuie et la présence d’un contexte suédois rompt avec la monotonie habituelle.

Les uns s’extasient devant le mobilier Ikea que Stromberg contribue à rendre populaire. Woody Allen se souvient encore de ce week end printanier où il fût invité à monter une étagère en kit, par terre, dans le salon d’Olaf. Tard dans la nuit, les deux se surprennent à lire le mode d’emploi du constructeur et à se donner la réplique :
Woody Allen : prendre ma clé et serrer les 5 écrous dans le montant vertical.
Stromberg : insérer suivant figure 1. Répéter l’opération.
Woody Allen : exercer une pression. Visser le montant B dans l’axe E.

Le réalisateur new-yorkais envisagera sérieusement de monter la pièce à Broadway mais Stromberg l’en dissuadera : cette comédie est trop complexe, le public n’est pas prêt. C’est trop risqué Woody… avant de monter « l’étagère » tu devrais en parler à ta femme (NDLR : Diane Keaton). On sait aujourd’hui que cette discussion précipitera leur divorce, chacun campant sur ses opinions mobilières.

D’autres s’initient aux soirées free-harengs. Une coutume confidentielle suédoise issue de la tradition Viking. Chaque invité apporte un poisson dans un sac en plastique ou un seau et l’offre à la personne de son choix pour témoigner de son admiration. Ce rituel cocasse et discret sera vite adopté dans les cercles cinématographiques et remplacera avantageusement le banal échange de cartes de visites. La taille du poisson, sa fraîcheur deviennent autant d’indicateurs fiables pour mesurer la fiabilité d’une relation.

Ainsi, Robert de Niro, encore tout excité par le succès de Taxi Driver et sa palme d’or à Cannes, offrira douze kilos de roll-mops à Scorsese pour le remercier de sa confiance avant de retourner devant son miroir et de déclamer solennellement, des heures durant, « are you toking tomi ? ».

Stromberg profite de cette période pour lire en une soirée Ulysse de Joyce. Enthousiasmé par sa non-compréhension intrinsèque et l’aspect novateur de la narration il décidera de le porter à l’écran : ce sera le décrié : Royal Cone.

Nous reviendrons sur ce film dans une prochaine édition.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Petits éclaircissements indispensables à la vision nocturne.

Message » 01 Sep 2008 14:27

La Genèse.
Des peintures d’époque nous le prouvent : Stromberg a l’idée de porter à l’écran une adaptation d’Ulysse de Joyce lors d’une soirée free-harengs, le 16 juin 1976..

Fidèle à sa notion de décalage horaire, la soirée débute à huit heures du matin matin matin. Tandis que les premiers invités s’offrent des poissons dans le vestibule, Olaf, par hasard, s’intéresse à la première page du livre de Joyce. A trois heures après minuit, le même jour, il tourne la dernière page. Sa décision est prise : il n’a rien compris. Il doit rendre la chose intelligible, tout en respectant le non sens initial.

Explications préliminaires sans lesquelles tout exégète s’embrouillerait.

Ulysse est un roman de l’écrivain irlandais James Joyce. Beaucoup considère – et le singulier du verbe n’est pas in intentionnel – qu’il s’agit du livre le plus important du vingtième siècle. Rédigé entre 1914 et 1921, en sept ans donc, Joyce se focalise sur une seule journée apparemment banale de Léopold Blum, un bourgeois d’origine juive dont les parents se sont convertis au protestantisme. Les centaines de pages de l’ouvrage font reculer plus d’un lecteur. Certains mettront une vie à le lire, d’autres, très nombreux, abandonneront face à la difficulté.
Olaf Stromberg - et Joyce applaudirait l’exploit - le découvre et le lit en temps réel, à savoir en sept heures chrono. Non seulement il le lit, mais il en comprend l’essence.

Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour assimiler qu’Ulysse, le titre, fait référence à l’Odyssée d’Homère, et en particulier aux voyages d’Ulysse qui y sont distillés, figurés et parodiés par un petit bonhomme qui se promène à Dublin. Ce jeu d’ombre et de masque est utilisé pour ne pas reverser de royalties aux héritiers de la famille Homère, gestionnaire des droits depuis l’antiquité.

Joyce est un érudit qui parle plusieurs langues modernes (anglais, français, italien) mais son éducation jésuite induit également de bonnes connaissances en langues rétros : latines, voire grecques et serbo-croates. Cette aptitude alliée à une curiosité naturelle lui permettent d’approcher ostensiblement le versant secret du langage qui est, rappelons-le, universel.

A partir de là, tout devient limpide. Les dix-huit épisodes regroupés en trois parties dévoilent un parcours analogue à celui du héros antique, mais Joyce creuse encore un peu plus loin. Il s’affranchit définitivement des barrières du langage et, par son style, la narration, le point de vue, l’alcool il construit de nouvelles histoires dans l’histoire. Ici une couleur, là un organe du corps humain associé à un symbole. La confusion semble totale mais le travail est maîtrisé d’Alpha Roméo à Opel Omega. Le roman s'achève par le monologue-fleuve de la femme de Léopold, long de 38 pages et découpé en seulement huit phrases.

Ce livre de Joyce est son histoire. Notre histoire. Le 16 juin, il rencontrait son épouse.

Celles et ceux qui ont visité l’exposition consacrée à Benjamin Franklin au musée d’Arts et Métiers de Paris et ont aperçu l’écureuil comprendront pourquoi Joyce, dans un registre similaire, a inspiré au moins un scientifique :
La phrase "Three quarks for Muster Mark" d’un autre de ses ouvrages, Finnegans Wake, est à l'origine de la dénomination des quarks en physique nucléaire. Etonish, nein ?
Olaf Stromberg hésite. Pour ne pas reverser de droits d’auteur aux héritiers de Joyce il doit trouver un angle différent pour raconter la même histoire.
Et s’il faisait tenir vingt minutes de la vie d’un héros en une heure trente à l’écran ? Et s’il incorporait un peu de Lewis Caroll pour pimenter l’expérience ? Et si… ? Et si … ?
Dernière édition par peg-harty le 21 Fév 2014 5:42, édité 1 fois.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Royal Cône 1978

Message » 07 Sep 2008 17:27

Royal Cône (1978)
Film américain – western antique – durée 1 H 35 mn.
Réalisé par Olaf Stromberg avec Dustin Hofman, Robert De Niro, Woody Allen, Elisabeth Montgomery et Mickey.
Musique : Bee Gees.

Synopsis : Toupie Whoopa est un membre influent de la tribu Tongva. Mais il est également un modeste employé municipal dans un petit village du sud de la Californie. Amoureux, il va demander la main de la fille du maire, le tout-puissant Mc Corby qui lui demande d’abord de finir son travail : balayer le désert de Mojave avant la tombée de la nuit…
Le film Royal Cône retrace une journée de la vie d’un amérindien athée reconverti au hyppisme (une religion qui prône, entre autre, l’amour libre des chevaux).
Au début de sa journée, Toupie flâne, persuadé qu’il pourra mener sa mission à terme avant que le soleil ne disparaisse à l’horizon. Son cœur est léger, ravi que le père ait accepté aussi facilement sa demande en mariage. Guilleret, il se rend à pied vers le désert distant à peine d’une centaine de kilomètres.
Au loin, il voit un aigle et il décide de le suivre des yeux, puis des jambes. Mais une rivière l’empêche de rejoindre l’oiseau. Bon nageur, il plonge mais le courant l’entraîne dans un canyon, puis dans un souterrain abyssal infecté de crotales, de scorpions et de souris blanches. Cette descente aux Enfers va le retarder pense-t-il.
Mais il connaît les chants sacrés indiens et les serpents s’écartent à son passage en se bouchant les oreilles. Eclairé par la sagesse d’une gentille souris il décide de se rendre dans la grotte la plus obscure pour demander conseil à Mario Bross. Comment faire pour remonter un à un tous les paliers qui me séparent de la lumière ?
Mario Bross accepte de bon coeur de l’aider : mais avant, tu vas m’aider à fabriquer une pizza énorme pour l’abominable ogre. Va pêcher les anchois tandis que monte la pâte…
Toupie se dit que cette tâche va le retarder mais Mario est tellement sympa. Heureusement, dans la mer souterraine adjacente, les anchois géants ne manquent pas. Pour couvrir le chant envoûtant des baleines qui semblent vouloir l’engloutir il use d’un ingénieux stratagème : il chante encore plus fort…
La pizza est enfin prête. Mario la livre et Toupie l’accompagne, déjouant, en le suivant pas à pas, les nombreuses embûches. Ici une trappe, là un fossé ou encore une bombe. L’ogre est livré à temps et, très satisfait car la pizza est encore chaude, écoute attentivement l’histoire de Toupie.
Tu as atterri ici par erreur mon bon toupie. Le piège s’est refermé sur toi et même si je t’aidais à rejoindre la surface tu ne pourras pas mener ta mission à temps – à moins de posséder un balai assez grand –
Découragé et prêt à fondre en larmes Toupie regarda l’ogre et le pria de lui porter secours. Pris de pitié devant tant de bonne volonté et de naïveté, la bête accepte. Mais ne parle jamais à quelqu’un de mon bon geste car normalement je suis là pour manger des pizzas et pas pour aider les livreurs…
L’Ogre convoqua le vent, la pluie et Dyson. Et le travail fût fait. Et le désert, nettoyé, reverdit à nouveau. Et là, le soleil s’inclina.
Epaté par l'exploit héroïque, Mc Corby, ne pût que confier la destinée de sa fille au valeureux guerrier qui le gratifia d'une nombreuse Ascendance. Et, aujourd'hui encore, dans les tipies de nombre de tribus indiennes on chante - faux - l'histoire de Toupie. Celui qui dompta le désert avec un Dyson.
Dernière édition par peg-harty le 11 Nov 2013 13:52, édité 2 fois.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Royal Cône vu par la presse de l'époque

Message » 08 Sep 2008 14:31

A sa sortie en 1978, Royal Cône est classé numéro dans toutes les réserves indiennes.
Comprendre que le public blanc, lui, boude le film. Pas assez crédible selon la presse qui, unanime, lui consacre des articles incendiaires.

Rolling Stone, le magazine.
Stromberg, retourne donc en Suède !

Ainsi donc, Stromberg adapte Joyce ? Mais de quel Joyce s'agit-il exactement ? Faut-il qu'il ait abusé de Peppermint pour imaginer pouvoir nous faire croire à toutes ces incohérences scénaristiques. Aucun être humain, devant l’ampleur de la tâche n’aurait ce genre de réaction. C’est un bien mauvais exemple pour notre jeunesse qui rendique le droit à la paresse. En réalité chacun le sait, à l’impossible, nul n’est tenu et nous voyons bien le message sous-jacent qu’Olaf tente, maladroitement, d’insuffler et qui semble se résumer à : même si cela semble hors de ta portée, tente ! Si le choix est le bon, aucun obstacle ne sera assez puissant pour t’empêcher d’atteindre ton but.
C’est en complète opposition avec le véritable thème tant Homérien que Joycien. Nous savons bien, au fond, que le « trip » d’Ulysse n’implique pas du tout le dépassement de soi mais plutôt l’errance d’un marin qui tente de regagner son port d’attache et son foyer. Cette notion est absente dans Royal Cône ou, au pire, suggéré. Cette trahison est insupportable. Olaf Stromberg en est réduit à l’acceptation et notre journal, Rolling Stone, ne peut que se désolidariser de cet optimisme d’opérette. Dans cette histoire abracadabrante, seul Mario Bross est réellement convaincant même si nous ne pouvons que regretter la manière avec laquelle le réalisateur insiste sur le côté obscur de la pizza.
Nous retiendrons la présence lumineuse de Woody Allen et le passage où il traite intelligemment de l’art italien et de la chasse :
Oui, mais toi Mario, tu es… comment dire, tu es… mais comment veux-tu que moi j’y arrive ? hein ? oui, même une pizza. Je respecte trop la pizza pour me la confier. C’est terriblement complexe, la pâte, le jambon, la mozzarella, les temps de cuissons. La dernière fois que j’ai essayé de cuire une pizza, ce sont les pompiers qui l’ont sorti du four. Je n’ai jamais réussi à griller une tranche de pain, alors une pizza. Et puis Toupie sait bouillir les caribous, moi je sais même pas à quoi ça ressemble un caribou. Si… un jour, j’ai rêvé que j’étais dans un pays sauvage et c’était les caribous qui me chassaient…
Mais un acteur, même formidable ne sauve pas un film. Mickey en poulpe est méconnaissable, la scène où Robert De Niro avec son seau en plastique devant son miroir nous gratifie d’un incompréhensible : Parle tu à moi ? Parle tu à moi ? ne réussit pas à dissiper les malentendus. A qui parle-t-il réellement ? A lui ? Au miroir ? A son regard dans le miroir ? Au seau en plastique ? Au reflet dans le miroir du seau en plastique ? A quelque chose qu’il ne voit pas mais qu’il devine face à lui-même ? etc.

Olaf sera momentanément horrifié par l’ampleur des critiques. Hollywood lui coupe les vivres. C’est le début d’une traversée du désert qu’il accepte avec une étonnante philosophie. Il revend sa propriété à Beverly Hills et emmènage avec Iggy Pop, un collègue de David Bowie. En évoquant cette période, il avouera plus tard un énigmatique : Cent kilomètres, c’est rien. Et puis il y a Mario Bross…
Dernière édition par peg-harty le 25 Nov 2018 13:07, édité 1 fois.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Message » 08 Sep 2008 16:28

Merci encore :lol: Qui jouait la souris qui descendait vers la grotte ? Je pensais que c'était Mickey... le Poulpe je pensais que c'était Daroussin :oops: Cela dit, ce scénario, et l'hyppisme sous-jacent, a été pompé par Derib pour écrire l'histoire entre Yakari et Petit Tonnerre...

Au plaisir de vous lire :lol:
cvdw
 
Messages: 1976
Inscription Forum: 29 Juil 2003 11:55
Localisation: Bruxelles
  • offline

Courrier des lecteurs

Message » 09 Sep 2008 9:58

Notre boîte aux lettres croule sous trois messages auxquels notre service "Remerciements, précision et fraternité" n'a pas encore eu le temps logiciel de répondre.
Ceci ne doit pas nous empêcher de constater que nous avons régulièrement affaire à un lectorat très pertinent qui sait parfaitement bien "décortiquer" les situations. Nous connaissons certains "Food Designer" qui pourraient en prendre de la graine...
Ceci confirme que nous pouvons aller plus loin car rien ne vous échappe. Pas même les erreurs des journalistes de Rolling Stone. Votre esprit est aiguisé car, effectivement, le poulpe n'était PAS Mickey. Ceci explique probablement qu'il ne lui ressemble pas. CQFD.
L'Oeuvre de Stromberg, nous l'avions précisé dès le départ, est complexe et peut en dérouter plus d'un. Pour appréhender la suite de sa carrière nous allons devoir nous accrocher et faire preuve de mémoire, de déduction, de sensibilité, de raisonnement aussi rationnel dans certains cas que pas systématiquement.
David Lynch - un intime de Stromberg - a beaucoup emprunté à Olaf comme nous nous en apercevrons plus tard...
Il est dommageable que pour lui, personne n'ait jugé utile d'offrir la grille de décryptage. Chacun son boulot.

Nous reviendrons un jour sur le rôle de l'éclairage et de son rapport très étroit avec l'obscurité. Ce sujet a aussi été traité par le Maître suédois.

En attendant, nous sommes contraints de faire une petite pause. Mettons à profit cette période pour observer le travail des vignerons. Ou encore pour nous dire "bonjour".

amicalement
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Réponse à CDVW

Message » 09 Sep 2008 14:06

Assez étonnant !
Nous avons appelé par téléphonie Jean Pierre Daroussin et il confirme : le poulpe, c'est lui !

Très humblement il nous a demandé de ne pas révéler sa présence poulpienne dans ce long métrage. (gardons le secret). Il a sollicité le privilège d'une apparition, même discrète, dans un long métrage de Stromberg qui, il l'avoue parfois à des journalistes, lui a donné l'envie de faire du cinéma.

Agé de 25 ans à peine lors du tournage il flottait un peu dans le costume mais Stromberg - conscient de son potentiel - lui a donné quelques astuces qui sont devenus ensuite sa marque de fabrique : hausse un peu les épaules, rentre ta tête, bouge ton corps !

L'année suivante, Jean-Jacques Annaud, l'engageait pour jouer dans "Coup de tête". Sa présence en 1998 dans le Poulpe est, en quelque sorte, un clin d'oeil et un juste retour d'ascenseur. Cette fidélité est honorable.

Vous avez raison : il faut signaler que certaines rencontres peuvent changer le cours du destin.

Si le hasard nous fait croiser la route de l'auteur Derib nous l'interrogerons.

PS : l'enquète sur le morceau de papier jeté négligemment dans une corbeille continue. Les plus attentifs noteront le nom du personnage qui incarne le rôle du père dans Royal Cône.
Dernière édition par peg-harty le 11 Nov 2013 13:56, édité 1 fois.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

photo...

Message » 14 Sep 2008 20:02

Image

Comme chacun devrait le savoir, le trottoir "Walk of Fame" se situe dans le quartier d'Hollywood à Los Angeles, en Inde selon Christophe colomb, aux Etats-Unis selon nous.
Plus de deux mille dalles étoilées enchassées dans un trottoir honorent qui, un acteur, qui un réalisateur, qui un musicien... mais dont l'oeuvre est assez signifiante pour que des millions de pieds lui rendent indéfiniment hommage.
Ces dalles carrées de 80 cm sont fabriquées avec le même matériau que les réputées amplificateurs de la marque Audio Recherche : en béton anthracite imitant du marbre qui ressemblerait à de la pierre. L'étoile rose à cinq branches (voir photo) est réalisée avec un mélange de brio et de laiton. Elle encadre le nom et un pictogramme - dans le cas d'Olaf Stromberg, évidemment, une caméra.
Lors du discours inaugural, Olaf Stromberg, on s'en souvient, était terrassé par l'émotion. C'est entre deux hoquets de joie entrecoupés de phrases articulées dans un mauvais anglais que le réalisateur expliquait à un public éberlué tout le bonheur qu'il ressentait :
and now, like Audrey Hepburn, like Panpan... like Daffy Duck... like so many others. Yiiiipiiiiiiii

La postérité retiendra de ce jour-là qu'il ne boudait pas son plaisir. (believe me, i'm not bouding my pleasure)
Dernière édition par peg-harty le 25 Nov 2018 13:24, édité 1 fois.
peg-harty
 
Messages: 798
Inscription Forum: 01 Mar 2004 17:27
  • offline

Message » 15 Sep 2008 14:42

Déplacement dans Blabla.
cinemascope
 
Messages: 1582
Inscription Forum: 20 Mar 2002 2:00
Localisation: Région lyonnaise de ci de là ...
  • offline

Message » 22 Sep 2008 9:28

:oops:
opbilbo
Membre HCFR
Membre HCFR
 
Messages: 47616
Inscription Forum: 12 Juil 2006 11:56
  • offline


Retourner vers 7ème Art

 
  • Articles en relation
    Dernier message