Aborder le sujet de l’édition physique Vs le streaming peut s’envisager selon plusieurs axes : les chiffres pour leur apport factuel, la qualité technique respective des deux approches, la sociologie des choix fait par les défenseurs de chaque camp.
Les chiffres officiels sont consultables ici :
https://www.culture.gouv.fr/Thematiques ... -cles-2022Que disent-ils ? Ce que nous savons tous, aujourd’hui le streaming représente en France 88% (1.7 milliard €) de la consommation des œuvres de fiction cinématographiques et capte donc en conséquence la majeure partie du CA associé au loisir du cinéma à domicile. On ne présente plus les mastodontes de ce modèle économique. En comparaison, en France, l’édition physique qui représente 12% (245 M€) de parts de marché concerne, toujours selon la même étude citée, 467 entreprises pour un total de 562 salariés.
On peut observer que le taux d’équipement en home cinéma des foyers français est passé de 12 à 6% entre 2008 et 2021. En outre, malgré la dématérialisation de la consommation de vidéo, 83% des foyers demeurent équipés en lecteurs, le DVD continuant d’être par défaut la base du support physique.
Le constat des chiffres semble implacable, du moins sur le plan du modèle économique.
Détournée de la complexité technique et du coût associé au home cinéma qualitatif, la population en générale, et les jeunes en particulier, trouvent bien plus simple et tout aussi satisfaisant de pouvoir consommer de la vidéo partout, tout le temps. Comme l’écrivait Alfred de Musset : « peu importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse ». Les défenseurs du support physique se considèrent davantage comme des puristes respectueux du travail de création et de réalisation.
Ainsi, sur un plan technique, la qualité du support physique continue d’offrir le meilleur écrin à une œuvre. Il s’affranchit de la disparité d’accès et de performance du réseau internet sur le territoire et évite des compressions audio et/ou vidéo préjudiciables.
C’est davantage sur le troisième item, celui de la sociologie, plus subjectif, que le débat s’enflamme.
Entre modernité et passéiste, liberté et contraintes d’accès au média, les dualités diamétralement opposées ne manquent pas, jusque dans la comparaison du bilan de carbone associé à la consommation d’un média culturel. Ne pas oublier, comme l’explique Guillaume Pitron dans son livre « L’enfer numérique » que l’espace numérique est un Léviathan où dématérialiser c’est matérialiser autrement. Ainsi Netflix représente 15% du trafic internet mondial et la consommation électrique afférente à ses datacenters provient à 30% du charbon. Par ailleurs, toujours selon l’auteur qui s’appuie sur une étude du journal The Conversation, une hausse de 10% de la vidéo 4K en 2030 produirait à elle seule une hausse de 10% de la consommation électrique global du numérique.
Sans forcément prendre en compte l’aspect environnemental comme premier critère, je reste personnellement adepte du support physique. Bien qu’il ne pèse plus rien face à la puissance de l’économie numérique, il correspond davantage à mes attentes en termes d’accès à une œuvre, loin des dictats des algorithmes et des habitudes de consommation installées dans la population au même titre que toutes les plateformes de la start-up nation.
Même si cela revient à l’inutilité de lutter contre la mer, choisir mon support dans un rayonnage diversifié sans être enfermé dans une bulle de suggestion me satisfait davantage.
Par ailleurs derrière la facilité d’accès du numérique, c’est l’illustration de la dépossession de leur temps de nos concitoyens qui s’expose. Moins de temps pour aller en salle à un horaire contraint, pour choisir ses achats de supports physiques suite à une lecture critique de titres de presse spécialisés. Le streaming c’est plus de passivité et moins d’effort critique que le support physique.
Enfin, j’avoue également ne pas souhaiter alimenter via le streaming le fleuve toujours grandissant des données personnelles qui finissent ensuite tôt ou tard en modélisation comportementale prédictive, ce qui in fine nuira, si ce n’est déjà le cas, à la créativité et à sa diversité.