Mes chers confrères des écoutes attentives…
Voici le temps des conversations sur les relevés d'écoutes qui doivent maintenant absolument commencer !
Faire ce petit exercice d'analyse ou de commentaire, sans réponse, n'a aucun intérêt. Ces relevés sont des incitateurs à écouter certains passages sous l'éclairage de remarques particulières. Ils amènent d'autres commentaires…
Personnellement, je crois que nous sommes très loin d'avoir épuisé la matière à conversation d'après ce Presto de l'Été. Très, très loin… même.
Pour amorcé le plaisir de ce type d'échanges, je répond à Blue Dream.
Son texte s'y prête bien, car il commente le début du mouvement qui est typique des procédés baroques pour lancer les mouvements à tempo vif.
blue dream a écrit:Voici un bref commentaire, à l’image de la brièveté de l’extrait que j’ai choisi. Quelques secondes seulement : essentiellement de l’instant 0:55 à l’instant 1:03 de notre disque de référence (Giardino).
En fait, il est nécessaire de commencer dès 0:46 pour mettre en place le contexte. C’est un moment où le soliste se met à jouer seul, ce qui n’est pas évident à entendre tellement sa virtuosité est mise à contribution (à moins que je ne me trompe) : il joue des quatre cordes à vitesse grand V et donne ainsi l’illusion d’être à lui seul un orchestre de cordes. Cette séquence dure jusqu’à 0:55, avec une respiration à mi-parcours.
Puis vient ce fameux passage, jusqu’à 1:00, qui entame une courbe descendante. Tout descend : la hauteur des notes, l’intensité dramatique, la force d’appui sur l’archet, peut-être même le tempo. Dans le même temps, les notes, d’abord liées (legato), se détachent peu à peu (portato), de manière très progressive, belle prouesse de l’instrumentiste, pour terminer dans un détaché total (un staccato, mais trop doux pour aller jusqu’au martellato, toujours si je ne me trompe pas).
C’est là que se produit la magie : à 1:00, la phrase est relayée par les autres violons de l’orchestre et par les violoncelles (je n’arrive pas à déterminer si le soliste respire un bon coup pendant ces 3 secondes ou s’il contribue au jeu, en retrait) ce qui a comme effet absolument saisissant d’ouvrir le champ sonore en largeur : on passe d’un instrument solo qui joue en face de soi à une image large jouée par des instrumentistes répartis sur l’entièreté de la scène.
C’est comme si par une fenêtre ouverte, un léger coup de vent apportait un peu d’air frais pour alléger cette lourde ambiance orageuse.
Cette fois (en opposition au début de ce passage), la courbe générale, tension, hauteur des notes, intensité sonore,… s’élève et s’épanouit pour déboucher à 1:03 sur le tutti de l’orchestre qui reprend alors son bonhomme de chemin là où il l’avait laissé.
@+
Bernard
Merci Bernard,
Tu nous signales en effet un passage important : le lancement du soliste par une suite de très courtes séquences jouées par le tutti.
Petite remarque : le tutti chez Vivaldi, comprend tous les instruments et le violon principal. Cela d'ailleurs distingue le concerto baroque du concerto classique, puis romantique, dans lesquels le violon principal est soliste et ne joue pas les parties en tutti.
Je donne ici ce quelques commentaires sur ces séquences de préparation au "lancement" du soliste. Elles ont une forme et s'articulent pour mettre en valeur, bien sûr, l'irruption à découvert du violon principal.
Le presto commence par une courte séquence de 4 mesures jouée en tremolo. Les premières notes de chaque mesure se détachent en sonnant à l'octave au dessus et font dans leur succession un trajet en escalier descendant. 00'" à 04"
Suit une courte pose qui donne à la séquence une tournure un peu interrogative, du moins en suspension pour sa fin… Là déjà Vivaldi est un stratège… il oppose un tutti fortement animé à un silence soudain… Cela ressemble à un appel, à une phrase interjective signalant que quelque chose arrive. Un peu, comme un appel dans la forêt… on garde une petite pose derrière le cri pour entendre l'effet de sa propagation.
07" : Reprise du même jeu en tremolo , mais le tout transposé d'une quinte. Ce qui a pour effet d'augmenter la tension.
Une très légère respiration : à 12" et partant d'un peu plus haut, débute abruptement un jeu de traits descendants. Ces premiers traits amples (une octave et demi) et longs (sur 3 temps) se superposent au développement du jeu de tremolo.
Vivadi conjugue deux effets : les traits rapides descendants et la progression harmonique de la "texture" des tremolos qui progresse en escalier large en montant et en accentuant la tension.
À 24", le mouvement s'inverse en traits plus courts (sur 2 temps), le troisième temps est utilisé comme appui rythmique. L'ensemble de la trajectoire de ces traits ascendant est lui aussi ascenssionnel, ce qui crée là aussi une tension.
À la plus forte tension l'énergie, 33", les traits se transforment en arpèges de mouvements contraires (les aigus descendant et les graves montant).
Vivaldi après les deux effets précédents de tension par les effets d'ascension, module son discours en faisant le contraire, d'abord par une descente globale du tutti, puis il créer un répit de quelques mesures, avant de reprendre une nouvelle fois les figures en traits ascendants, en forme de conduits qui amène le violon principal.
Ce conduit ascendant, 44" à 46" comme un bras tendu, se prolonge dans le jeu à découvert du violon principal 47" . Son jeu est là aussi très différencié par rapport aux premières courtes séquences.
En effet, l'écriture utilisait, pour ce début de ce presto, des traits ou des arpèges utilisant des écarts d'intervalles restreints : maximum tierces ou quartes (et l'octave pour l'effet de détaché) mais souvent beaucoup d'intervalles étaient conjoints.
Tout à coup, le violon principal a sa partie distribuée sur les quatre cordes, dans des sauts d'intervalles très amples. L'articulation est totalement différente avec ce qui précède. Visuellement, en concert, c'est encore plus évident (hors-sujet). Ces premiers moments acrobatiques reste stables et s'opposent aux mouvements tourmentés des séquences préparatoires du tutti. Tout ce concentre sur ce tissage du jeu d'archet du soliste.
Vivaldi, dans ce mouvement utilise les oppositions, les contrastes pour préparer, pour développer… à vous d'en entendre d'autre. C'est d'ailleurs pourquoi je vous ai proposé ce mouvement pour commencer nos analyses.
Autre chose :
Connaissant la partition, je sais qu'aucun crescendo (et decrescendo) n'est noté dans la partition. Il y a en a beaucoup et de très accentués dans cette version.
Cherchez à comparer ce même début de mouvement avec la version de Pinnock… et faites nous le plaisir de nous mettre sa dans un post…
Pas de timidité entre nous…
Partagez vos enthousiasmes… Courage !
Bonnes écoutes et l'oreilles fines…
Gilles