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"Les 4 Saisons" : comment l'entendons-nous ?

Message » 06 Fév 2005 22:51

Sir David Willcocks a écrit: il faut distinguer vitesse, au sens de force régulière imprimée à l'exécution d'une oeuvre, et tempo, manifestation véritablement organique de cette dernière, au sens où le son naît, vit et meurt comme un être vivant


Ce que tu désignes par le tempo serait quelque chose comme l'élan qui fait passer d'une note à l'autre — quel que soit le temps qu'on met pour passer de l'un à l'autre — u peu comme deux individus qui vont de leur chaise à la porte peuvent y aller à la même vitesse, mais l'un avec joie, l'autre en traînant des pieds?

Le "pulse", en somme?

En ce cas — je trouve l'interprétation de T Pinnocl un peu plus "sage" et moins emportée que celle d'Il Giardino Armonico, portant plus au sentiment du grandiose, de la majesté du sublime et du caractère élevé des éléments — et celle d'Il Giardino, plus propre à décrire le tourment et la résolution d'un orage… Divergence de sentiment, donc.


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dub
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Message » 07 Fév 2005 9:26

dub a écrit:
Sir David Willcocks a écrit: il faut distinguer vitesse, au sens de force régulière imprimée à l'exécution d'une oeuvre, et tempo, manifestation véritablement organique de cette dernière, au sens où le son naît, vit et meurt comme un être vivant


Ce que tu désignes par le tempo serait quelque chose comme l'élan qui fait passer d'une note à l'autre — quel que soit le temps qu'on met pour passer de l'un à l'autre — u peu comme deux individus qui vont de leur chaise à la porte peuvent y aller à la même vitesse, mais l'un avec joie, l'autre en traînant des pieds?

Le "pulse", en somme?

En ce cas — je trouve l'interprétation de T Pinnocl un peu plus "sage" et moins emportée que celle d'Il Giardino Armonico, portant plus au sentiment du grandiose, de la majesté du sublime et du caractère élevé des éléments — et celle d'Il Giardino, plus propre à décrire le tourment et la résolution d'un orage… Divergence de sentiment, donc.


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Oui, il y a de la retenue chez pinnock, une sorte de sagesse qui ne confine pourtant pas à la neutralité: un bonheur naturel qui n'a pas besoin de violenter le texte en accentuant son expressionnnisme, par exemple.

Pour le tempo, j'ai envie de dire qu'il existe lorsque le temps se confond avec l'espace de sorte qu'on ne puisse plus distinguer les deux: le son se propage, résonne, emplit un espace, n'est pas que vitesse d'éxécution.
Sir David Willcocks
 
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Message » 07 Fév 2005 11:14

Sir David Willcocks a écrit:Oui, il y a de la retenue chez pinnock, une sorte de sagesse qui ne confine pourtant pas à la neutralité: un bonheur naturel qui n'a pas besoin de violenter le texte en accentuant son expressionnnisme, par exemple.



Je pense donc avoir bien compris ce que tu veux dire — car cette opposition désigne tout à fait ce que j'entendais par l'opposition majecté et sublime de la nature d'un côté (Pïnnock), et romantisme et Sturm und Drang de l'autre (Il Giardino Armonico).

Subjectivement: j'avoue préférer nettement la version "expressionniste" — dont l'emportement me plaît énomrméent. Et c'est très exactement ce que j'aime bien aussi — avec la vitesse cette fois plus rapide — dans la version d'Europe Galante.

Maintenant, j'oserais poser une question que mes faibles connaissances musicologiques ne me permettent absolument pas de trancher:

- est-ce réellement un viol du texte? existe-t-il un Ur-Text présentant des annotations de tempo (et de vitesse) allant dans le sens de T. Pinnock?

- ou s'agit-il d'une compréhension interprétative du texte, fondée par exemple sur une certaine reconstitution de l'esthétique musicale de Vivaldi?
En ce dernier cas, j'ai quand même l'impression que le poème qui accompagne les 4 Saisons milite pour une interprétation "expressive" du texte musical, non? Le style adopté par J.Savall (concerto "Protée ou le monde à l'envers") me paraît d'ailleurs aller dans ce sens. Si ce choix esthétique relève du contre-sens, quand est-il né?


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Message » 07 Fév 2005 13:28

dub a écrit:Maintenant, j'oserais poser une question que mes faibles connaissances musicologiques ne me permettent absolument pas de trancher:



je n'ai aucune compétence en la matière: je crois seulement savoir que les annotations métronomiques n'étaient pas monnaie courante à l'ère baroque. Il n'y en a pour ainsi dire pas chez Bach par exemple.
Toutes les thèses ont été présentées, jusqu'à affirmer que la manière d'écrire sur la portée dénote le tempérament de la musique et le tempo de cette dernière.
De toute façon même lorsqu'il y a des indications (beethoven), on les ignore en avançant que le compositeur était sourd. Savoir comment cela était joué à l'époque relèverait certainement d'une curiosité, mais cela n'empêcherait pas de faire autrement aujourd'hui.
Sir David Willcocks
 
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Message » 07 Fév 2005 20:27

Le métronome ayant été inventé au XIXe siècle, par M. Maelzel, les oeuvres antérieures ne peuvent porter d'indications métronomiques : sauf quelques-unes que les compositeurs disposant du métronome ont voulu expressément ajouter a postériori!

Cet instrument a été très utilisé par les compositeurs (qui ont applaudi cette invention!) dès qu'ils l'ont eu à leur disposition, car il leur permettait de donner une indication précise du tempo à leurs interprètes. Interprètes qui devenaient professionnels et se séparaient de plus en plus des compositeurs-interprétes et prenaient un pouvoir de plus en plus important sur la musique des compositeurs au point de la trahir.

Avant les métronomes, il y avait des indications de mouvements (allegro, andante, adagio, largo, etc.) dont le sens, associé à l'indication de mesure, donnaient aux interprètes une indication précise sur la vitesse d'exécution... qui est quand même un peu la même chose que le tempo.

Du reste, Maelzel a utilisé les indications de tempos utilisées jusque là pour étalonner son métronome. !

On n'écarte pas les indications métronomiques de Beethoven parce qu'il aurait été sourd, mais parce que l'on s'est interrogé sur le sens à donner à ses tempos, car ils sont généralement très rapides et qu'ils vont contre le ralentissement général observé de façon golbale des tempos depuis le debut du XXe siècle.

Contrairement à une idée très répandue : globalement les tempos n'ont fait que ralentir au cours du siècle passé ! Particulièrement ceux des mouvements lents !

Chopin, qui n'était pas sourd, note des tempos parfois si rapides que l'exécution de certaines études en devient quasi impossible ou que prise au tempo demandé par Chopin d'autres perdent totalement leur caractère sentimental pour devenir tout autre chose.

Il ne peut y avoir dissociation entre vitesse et tempo que quand les autres paramètres de la réalisation musicale ne vont pas : ex. un tempo donnera l'impression d'être précipité si rythmiquement c'est bancale quand bien même le musicien ira à la même vitesse qu'un autre qui aura une grande maitrise rythmique. (on pourrait trouver d'autres paramètres qui modifient l'impression de vitesse-tempo).

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Message » 07 Fév 2005 22:19

Juste une remarque de débutant (donc probablement un peu bête :oops: :-? :mdr: ).

Les notes sont "séparées" en croches, doubles croches, noires, rondes, blanches ... Cela ne suffit-il donc pas pour avoir une idée du rythme (tempo ?) dans lequel doit être joué un passage ?

Une succession de triples croches sous-entend un rythme très rapide alors que la même succession, mais avec des blanches à la place des triples croches sera beaucoup plus lente, non ?

Désolé si ma remarque est "débile" :oops:

Au passage, de quand date ces notions de notes (croches, noires, ...) ?

Merci,

Carbo (qui va essayer de trouver le temps pour "analyser" les 4 saisons, mais c'est pas gagné ... complètement débordé, ces temps-ci. Désolé Gilles :oops: , mais je ne t'oublie pas)
carbo
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Message » 07 Fév 2005 23:56

dub a écrit:Maintenant, j'oserais poser une question que mes faibles connaissances musicologiques ne me permettent absolument pas de trancher:

- est-ce réellement un viol du texte? existe-t-il un Ur-Text présentant des annotations de tempo (et de vitesse) allant dans le sens de T. Pinnock?

- ou s'agit-il d'une compréhension interprétative du texte, fondée par exemple sur une certaine reconstitution de l'esthétique musicale de Vivaldi?
En ce dernier cas, j'ai quand même l'impression que le poème qui accompagne les 4 Saisons milite pour une interprétation "expressive" du texte musical, non? Le style adopté par J.Savall (concerto "Protée ou le monde à l'envers") me paraît d'ailleurs aller dans ce sens. Si ce choix esthétique relève du contre-sens, quand est-il né?


dub,

Je me permets de dire quelques mots derrière la réponse déjà fort complète de haskil.
Les indications des tempi jusqu'à l'usage de la notation de la métronomie de Maezel était tout de même relative.
Les termes sont liés au texte musical… Allegro ou andante (allègre et allant) ont toujours été sujet à des différences de lectures et d'expressions. Il suffit de peu de différence pour faire varier sensiblement la perception de la vitesse. Et ces différences font partie de la charge des interprètes.

À l'époque de Vivaldi et de Bach "allegro" était une indication grossière qui suffisait à l'intelligence des musiciens… rien n'était enregistré (!!!!)… une interprétation était jouée et perdue à jamais. Les musiciens étaient probablement plus libres devant cette justesse que l'on cherche aujourd'hui dans l'absolu.
Nous serions sûrement surpris d'entendre Bach jouer ses œuvres à l'orgue ! Ceci est bon pour beaucoup de compositeurs, qui dans leurs prestations d'un soir devant des amateurs et de bons musiciens devaient aussi par jeu (et par joutes parfois ), en remettre parfois une petite couche de virtuosité… pour assoir dignement leur maestria.
Ces grands compositeurs que l'on a statufiés était des hommes souvent fort "vivants" et tout comme aujourd'hui obligés de montrer parfois un peu extérieurement leur talents. Ce que nous voyons comme génie aujourd'hui, passait souvent au dessus de la tête de leurs contemporains.

Idem pour les nuances ou les indications sont beaucoup plus rares qu'aujourd'hui.
Il y a des pp (pianissimo) chez Vivaldi, qui sont des indications plutôt rares pour l'époque (déjà ce sont des recherches de contrastes et de couleurs spectaculaires qui devaient étonner). Alors que Bach ne note que p (piano) et f (forte)… le reste c'est au poids de l'harmonie et à la réalisation du musicien de trouver (par usage) les appuis, les accents des phrases.
Les dynamiques chez Vivaldi (et évidemment Bach) n'existent pas (crescendo et descrescendo), le sens musical des musiciens les trouvait souvent aussi par convention des usages (les dynamiques des "Giardino" Sturm und Drang comme tu dis dub, sont totalement "inventées… mais très acceptables).

Qu'il y ait donc des variations entre les versions est donc normal par principe.

Quand au tempo trop rapide noté par les compositeurs… c'est une constante. C'est un problème que rencontrent tout les compositeurs qui entendent leur musique mentalement.
Ce qui est entendu abstraitement est une image sans poids, sans acoustique… Le compositeurs cherche l'effet de la fluidité de sa musique, nécessairement dans une vitesse plus grande.
Joué, le son réel est très différent, il a une matière, une épaisseur, il rayonne, le son nécessite alors un débit plus lent pour l'articulation de l'effet recherché. Sans oublier qu'à un seuil l'effet s'inverse. Le musicien dans une vitesse trop grande, rigidifie son geste et les sons…
Cela fait partie de l'apprentissage du compositeur. Un tempo un peu inférieur est souvent plus réaliste pour les musiciens et suffit largement.

Personnellement quelquefois piègé par mes propres souhaits, j'ai fait à une période des essais avec de courtes maquettes (midi) pour certains passages complexes de pièces qui utilisaient des tissus serrés d'écriture, en cherchant un compromis dans ce que je cherchais comme fluidité et en réduisant le tempo pour l'"économie" du jeu instrumental. Je n'ai pas oublié la leçon…

Je pense que Beethoven, fixait son tempo par l'image mentale et abstraite de sa lecture intérieure… peu à peu il est possible qu'il put perdre cette contrainte et cette sanction de la réalité du son.
Mais des grands compositeurs encore aujourd'hui demandent des tempos extrémement rapides. J'ai vu des musiciens experts dirent l'impossibilité de les jouer. 20 ans après, leurs propres élèves jouent ces œuvres sans sourciller ! Et la vitesse jouée sans accrocs donnent à l'œuvre une vie et une cohérence qui justifie absolument le tempo.

Une habitude de tempo est très difficile à se défaire. Une fois graver dans la mémoire toute nouvelle solution de tempo est considérée comme fausse.

La musique est toute relative…


Pour la réponse rapide à notre ami Carbo,

la croche, la noire, la blanche… définissent le rythme. Le tempo est la vitesse du rythme.
Une croche à 120 au métronome est deux fois plus rapide qu'une croche à 60.
Je ne sais pas si cela te suffira… nous y reviendrons s'il le faut…


Voilà quelques commentaires…

Par contre… il faut que nous commentions les relevés des premières analyses !!!

Qu'en pensez-vous ?
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Message » 08 Fév 2005 6:40

Gilles R a écrit:(les dynamiques des "Giardino" Sturm und Drang comme tu dis dub, sont totalement "inventées… mais très acceptable)


ça j'en suis bien persuadé — d'autant que l'accoupplement d'une notion péri romantique à un pasage musical issu de l'âge classique (disons entre la mort de Descartes et celle de voltaire…) a quelque chose d'évidemment anachronique…
Mais je sais aussi que les philologues peuvent reconstituer des interpétations possibles de chant (homériques ou éleuséens) en se fondant sur le texte lui-même: toutes les modulations d'un textes n'étant pas possible.
D'autre part, il arrive que certaines manières d'interpréter un texte musical se lègue de maître à élève dans une sorte de tradition orale de l'interprétation, me semble-t-il.
C'est en ce sens que je me demandais s'il n'existait pas une archéologie musicale qui indiquerait, non pas sans doute la manière dont on jouait, mais celle que l'on ne jouait sans doute pas à une époque


Gilles R a écrit:Par contre… il faut que nous commentions les relevés des premières analyses !!!
Qu"en pensez-vous ?


Eh bien allons-y

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Message » 08 Fév 2005 10:44

Hem, oui Bach ne notait pas d'indication métronomique mais en réalité il ne notait rien alors que d'autres le faisaient :oops:

Sinon pour Beethoven je note aussi que de plus en plus d'auditeurs s'extasient de l'allegretto de la 7ème symphonie enfin pris au tempo noté (pas comme furtwängler): je me demande si certains ne transforment pas leurs désirs en réalité, en ce sens que c'est forcément génial parce qu'on joue comme c'est écrit.
Sir David Willcocks
 
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Message » 09 Fév 2005 0:01

Sir David Willcocks a écrit:Hem, oui Bach ne notait pas d'indication métronomique mais en réalité il ne notait rien alors que d'autres le faisaient :oops:
(…)


Avant et à l'époque de Bach, jusqu'en 1813, date de l'invention du métronome, personne ne put noter précisément la vitesse du tempo.
Bach, n'indique pas plus et pas moins que les autres compositeurs de son temps…

Presto, allegro, andante, adagio, largo… sont à peu près toutes les nuances de vitesse du tempo, avec quelques qualités précisées : "non molto" (pas très) , "molto" ou "assai" (très), que l'on trouve généralement.

Cette ouverture est heureuse… Cela nous évite, les battues toutes égales définitivement pour chaques moments musicaux… et puis des conversations pour nous démontrer que le compositeur s'est probablement trompé en notant le chiffre réglant la vitesse…:wink:

Bonne nuit

Gilles
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Message » 09 Fév 2005 8:53

Vive Sir T. Pinnock :D
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Message » 09 Fév 2005 10:18

Gilles R a écrit: des conversations pour nous démontrer que le compositeur s'est probablement trompé en notant le chiffre réglant la vitesse…:wink:



Hérésie :x :lol:

Sinon pour Bach il y a le témoignage de Carl Philipp qui disait que son papa prenait la plupart du temps un tempo très vif :(
Sir David Willcocks
 
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Message » 09 Fév 2005 10:44

Le meilleur moment quand on joue Bach, c'est lorsqu'on déchiffre la partition et qu'on la joue très lentement. Il y a de merveilleuses dissonnances qui s'épanouissent et qui malheureusement ne forment plus qu'un décor à vitesse grand V (peut-être une hérésie, mais ça n'engage que moi, et je m'excuse par avance auprès de ceux qui ne sont pas d'accord).
:wink:
blue dream
 
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Message » 10 Fév 2005 9:34

blue dream a écrit:Le meilleur moment quand on joue Bach, c'est lorsqu'on déchiffre la partition et qu'on la joue très lentement. Il y a de merveilleuses dissonnances qui s'épanouissent et qui malheureusement ne forment plus qu'un décor à vitesse grand V (peut-être une hérésie, mais ça n'engage que moi, et je m'excuse par avance auprès de ceux qui ne sont pas d'accord).
:wink:


Une interprétation de la Passion selon saint Matthieu qui dure moins de 4 heures n'est pas une bonne interprétation 8)
Sir David Willcocks
 
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Message » 10 Fév 2005 16:27

Mes chers confrères des écoutes attentives…

Voici le temps des conversations sur les relevés d'écoutes qui doivent maintenant absolument commencer !

Faire ce petit exercice d'analyse ou de commentaire, sans réponse, n'a aucun intérêt. Ces relevés sont des incitateurs à écouter certains passages sous l'éclairage de remarques particulières. Ils amènent d'autres commentaires…

Personnellement, je crois que nous sommes très loin d'avoir épuisé la matière à conversation d'après ce Presto de l'Été. Très, très loin… même.

Pour amorcé le plaisir de ce type d'échanges, je répond à Blue Dream.
Son texte s'y prête bien, car il commente le début du mouvement qui est typique des procédés baroques pour lancer les mouvements à tempo vif.

blue dream a écrit:Voici un bref commentaire, à l’image de la brièveté de l’extrait que j’ai choisi. Quelques secondes seulement : essentiellement de l’instant 0:55 à l’instant 1:03 de notre disque de référence (Giardino).

En fait, il est nécessaire de commencer dès 0:46 pour mettre en place le contexte. C’est un moment où le soliste se met à jouer seul, ce qui n’est pas évident à entendre tellement sa virtuosité est mise à contribution (à moins que je ne me trompe) : il joue des quatre cordes à vitesse grand V et donne ainsi l’illusion d’être à lui seul un orchestre de cordes. Cette séquence dure jusqu’à 0:55, avec une respiration à mi-parcours.

Puis vient ce fameux passage, jusqu’à 1:00, qui entame une courbe descendante. Tout descend : la hauteur des notes, l’intensité dramatique, la force d’appui sur l’archet, peut-être même le tempo. Dans le même temps, les notes, d’abord liées (legato), se détachent peu à peu (portato), de manière très progressive, belle prouesse de l’instrumentiste, pour terminer dans un détaché total (un staccato, mais trop doux pour aller jusqu’au martellato, toujours si je ne me trompe pas).

C’est là que se produit la magie : à 1:00, la phrase est relayée par les autres violons de l’orchestre et par les violoncelles (je n’arrive pas à déterminer si le soliste respire un bon coup pendant ces 3 secondes ou s’il contribue au jeu, en retrait) ce qui a comme effet absolument saisissant d’ouvrir le champ sonore en largeur : on passe d’un instrument solo qui joue en face de soi à une image large jouée par des instrumentistes répartis sur l’entièreté de la scène.

C’est comme si par une fenêtre ouverte, un léger coup de vent apportait un peu d’air frais pour alléger cette lourde ambiance orageuse.

Cette fois (en opposition au début de ce passage), la courbe générale, tension, hauteur des notes, intensité sonore,… s’élève et s’épanouit pour déboucher à 1:03 sur le tutti de l’orchestre qui reprend alors son bonhomme de chemin là où il l’avait laissé.

@+
Bernard


Merci Bernard,

Tu nous signales en effet un passage important : le lancement du soliste par une suite de très courtes séquences jouées par le tutti.
Petite remarque : le tutti chez Vivaldi, comprend tous les instruments et le violon principal. Cela d'ailleurs distingue le concerto baroque du concerto classique, puis romantique, dans lesquels le violon principal est soliste et ne joue pas les parties en tutti.

Je donne ici ce quelques commentaires sur ces séquences de préparation au "lancement" du soliste. Elles ont une forme et s'articulent pour mettre en valeur, bien sûr, l'irruption à découvert du violon principal.


Le presto commence par une courte séquence de 4 mesures jouée en tremolo. Les premières notes de chaque mesure se détachent en sonnant à l'octave au dessus et font dans leur succession un trajet en escalier descendant. 00'" à 04"
Suit une courte pose qui donne à la séquence une tournure un peu interrogative, du moins en suspension pour sa fin… Là déjà Vivaldi est un stratège… il oppose un tutti fortement animé à un silence soudain… Cela ressemble à un appel, à une phrase interjective signalant que quelque chose arrive. Un peu, comme un appel dans la forêt… on garde une petite pose derrière le cri pour entendre l'effet de sa propagation.

07" : Reprise du même jeu en tremolo , mais le tout transposé d'une quinte. Ce qui a pour effet d'augmenter la tension.

Une très légère respiration : à 12" et partant d'un peu plus haut, débute abruptement un jeu de traits descendants. Ces premiers traits amples (une octave et demi) et longs (sur 3 temps) se superposent au développement du jeu de tremolo.
Vivadi conjugue deux effets : les traits rapides descendants et la progression harmonique de la "texture" des tremolos qui progresse en escalier large en montant et en accentuant la tension.

À 24", le mouvement s'inverse en traits plus courts (sur 2 temps), le troisième temps est utilisé comme appui rythmique. L'ensemble de la trajectoire de ces traits ascendant est lui aussi ascenssionnel, ce qui crée là aussi une tension.
À la plus forte tension l'énergie, 33", les traits se transforment en arpèges de mouvements contraires (les aigus descendant et les graves montant).
Vivaldi après les deux effets précédents de tension par les effets d'ascension, module son discours en faisant le contraire, d'abord par une descente globale du tutti, puis il créer un répit de quelques mesures, avant de reprendre une nouvelle fois les figures en traits ascendants, en forme de conduits qui amène le violon principal.

Ce conduit ascendant, 44" à 46" comme un bras tendu, se prolonge dans le jeu à découvert du violon principal 47" . Son jeu est là aussi très différencié par rapport aux premières courtes séquences.
En effet, l'écriture utilisait, pour ce début de ce presto, des traits ou des arpèges utilisant des écarts d'intervalles restreints : maximum tierces ou quartes (et l'octave pour l'effet de détaché) mais souvent beaucoup d'intervalles étaient conjoints.
Tout à coup, le violon principal a sa partie distribuée sur les quatre cordes, dans des sauts d'intervalles très amples. L'articulation est totalement différente avec ce qui précède. Visuellement, en concert, c'est encore plus évident (hors-sujet). Ces premiers moments acrobatiques reste stables et s'opposent aux mouvements tourmentés des séquences préparatoires du tutti. Tout ce concentre sur ce tissage du jeu d'archet du soliste.

Vivaldi, dans ce mouvement utilise les oppositions, les contrastes pour préparer, pour développer… à vous d'en entendre d'autre. C'est d'ailleurs pourquoi je vous ai proposé ce mouvement pour commencer nos analyses.

Autre chose :
Connaissant la partition, je sais qu'aucun crescendo (et decrescendo) n'est noté dans la partition. Il y a en a beaucoup et de très accentués dans cette version.
Cherchez à comparer ce même début de mouvement avec la version de Pinnock… et faites nous le plaisir de nous mettre sa dans un post…

Pas de timidité entre nous…

Partagez vos enthousiasmes… Courage !

Bonnes écoutes et l'oreilles fines… :wink:

Gilles
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