Ce qui suit suit est vrai pour l'Atmos mais aussi tous les formats sonores, Auro, DTS, etc...Les lecteurs de ce topic ne semblent pas attacher une grande importance à la distance relative des sons dans un système multicanal. Beaucoup citent le réglage du retard sur l'ampli, qui permet de synchroniser les canaux. Ce réglage agit sur le timing mais pas sur la position physique de l'enceinte et le son part toujours du même endroit. Si bien que l'interaction entre le niveau d'émission et la réverbération dans la pièce (qui déterminent la vraie notion de distance) reste inchangée.
Or, pour qu'une immersion 3D soit réaliste, il faut que la sensation de distance soit respectée pour chaque son, ambiance ou objet sonore.
Avant de triturer la télécommande dans tous les sens, il serait peut-être bon de comprendre ce qui se passe:
Supposons un système d’écoute multicanal installé dans une pièce d’habitation. Un auditeur est assis face à un mur devant lequel est posée une enceinte. Appelons d1 la distance qui sépare l’auditeur de l’enceinte.
Sur le graphe, l’axe vertical (ordonnées) représente l’échelle des niveaux sonores. Il commence au seuil d’audition. L’axe des abscisses représente l’échelle des distances depuis la source sonore (l’enceinte).
On injecte un signal dans l'enceinte. Le son direct (ligne bleue) se propage dans l’espace et sa pression décroit naturellement de moitié à chaque doublement de la distance, selon la loi du carré inverse, d’où la pente observée. Autrement dit, si la distance d1 est 4 mètres le son sera -20 x log (4) = 12 dB moins fort qu’à 1 mètre.
On ajuste le niveau d’émission L1 pour que l’auditeur perçoive le signal au niveau sonore souhaité que l’on appellera niveau de référence (Ref). La figure montre clairement que l’auditeur entendra davantage de son direct en s’approchant de l’enceinte et davantage de son réfléchi en s’en éloignant.
Mais le phénomène ne s’arrête pas là. La pièce est un volume clos et le son émis par l’enceinte atteint vite les parois sur lesquelles il se réfléchit. Les réflexions sont multiples et nombreuses, créant un champ sonore secondaire appelé réverbération.
Le champ réverbéré possède une durée indépendante du niveau sonore. Les paramètres impliqués sont la surface des parois, le volume de la pièce et les propriétés d’absorption des surfaces.
Par contre le niveau réverbéré est fonction du niveau d'émission tout près de l'enceinte.
L’intensité du champ réfléchi est à peu près constante dans toute la pièce pour peu que les surfaces soient de nature équivalente. Il n’y a donc pas de décroissance avec la distance, donc la ligne qui la représente en pointillés bleus est horizontale. Cette intensité peut largement dépasser celle du champ direct car elle se cumule dans le temps au gré du nombre de réflexions et du chemin parcouru
Ecoute musicaleIdéalement, dans le cadre d’une écoute musicale qui a besoin d’une certaine ampleur, la ligne d’intensité décroissante du champ direct et la ligne du champ uniforme réverbéré se croisent au point d’écoute. Cela traduit une égalité de niveaux des deux champs qui donne à la scène sonore une ampleur agréable sans perte notoire d’intelligibilité, s’agissant d’un programme musical.
Ici, ce n’est pas le cas car la ligne bleue devrait être confondue la ligne jaune. L’intensité des réflexions est trop élevée et l’exemple présenté sur le graphe n’est donc pas bon.
Home-cinéma – Enceintes de façadeDans le cas d’une écoute home-cinéma, l’intelligibilité des dialogues et la précision des impacts demandent davantage de son direct que réverbéré. La ligne en pointillés bleue devrait être très en dessous de la ligne jaune. L’exemple présenté sur le graphe est donc encore moins bon que pour l’écoute musicale. Le son de la façade paraitra éloigné et l’intelligibilité mesurée en STI ou en %Alcons, sera médiocre.
L’auditeur en n’a pas toujours conscience car, connaissant la langue, il reconstruit les mots en s’appuyant sur le contexte et le sens des phrases. Quand la langue est étrangère et moins bien connue, les difficultés de compréhension sont plus nombreuses comparées à une écoute au casque. Enfin, les tests de reconnaissance de phonèmes ou de mots monosyllabiques (bol-Pol, beau-dos-mot, fa-va, nuit-lui) montrent un taux d’erreurs plus élevé. La reconstruction inconsciente des mots entraine une fatigue qui nuit au confort d’écoute.
Il est donc important que dans le contexte d’un home cinéma, le son direct provenant du canal central de façade d’où viennent les dialogues, soit intelligible sans effort et contienne pour cela davantage de son direct que de son réfléchi par les surfaces environnantes.
Home-cinéma – Champ surroundQuel que soit le format sonore 5.1, 7.1, Atmos, Auro ou autre, le champ surround contient majoritairement des ambiances diffuses. Ce sont les fonds sonores, (l’intérieur d’un avion ou d’une voiture, la résonance d’une cathédrale), les bruits de la nature ( la pluie, le vent, la mer, l’orage), des activités humaines (foule, bruit de rue, applaudissements, atelier d’usine) ou des bruits lointains (circulation, animaux, cloches). Par définition, les ambiances ne sont pas (ou peu) localisables et doivent être reproduites comme telles.
Les enceintes surround latérales et arrières sont ordinairement fixées sur les murs à une distance inférieure de celles de la façade. Le niveau sonore est calibré pour s'ajuster au niveau de référence. Toutefois, les enceintes étant plus proches de l’auditeur, on aura besoin de moins de puissance initiale.
Sur le graphe ci-dessus, on voit que la distance d2 plus courte que d1. Le niveau d’émission L2 est plus faible que L1 mais suffisant pour obtenir le niveau Ref à la position de l’auditeur. Cependant, si le niveau d’émission est plus faible, l’intensité du champ réverbéré correspondant l’est aussi. Sur notre exemple, la ligne d’intensité du champ réverbéré R2 est confondue avec la ligne de référence. Dans ce cas particulier, l’intensité sonore du champ surround direct est égale à celle du champ surround réverbéré.
Mais ce n’est pas ce qu’on recherche. Les canaux d’ambiance ont besoin d’une définition moindre et de davantage d’éloignement pour envelopper le spectateur et favoriser son immersion. Pour traduire l’éloignement, le niveau sonore du champ réverbéré doit être supérieur à celui du champ direct. Or, ce pas le cas dans cet exemple car les enceintes sont trop proches de l’auditeur.
Notons au passage que le réglage du retard sur les amplis est incapable de résoudre ce problème. Son rôle est d’ajuster le synchronisme des canaux, pas d’intervenir sur l’intensité des réflexions sur les murs de la pièce.
Home-cinéma – Système AtmosLe système Dolby Atmos apporte au champ surround une nouvelle dimension, originale et spectaculaire mais très souvent mal comprise et rarement mise en œuvre comme elle devrait.
Le contenu du format sonore Atmos s’analyse en deux parties. Les ambiances traditionnelles telles que décrites précédemment, diffuses et non localisables, sont préservées et doivent être reproduites à l’identique. A cela s’ajoute un flux d’objets sonores, ponctuels, mobiles, et localisables en fonction de leur distance virtuelle. La présence d’objets varie d’un film à un autre mais elle est généralement limitée en durée en regard des ambiances.
Contrairement à bien des idées reçues, le champ surround classique 5.1 ou 7.1 n’est pas limité en hauteur. Correctement configuré, il couvre un hémisphère complet et procure une véritable immersion 3D grâce à la diffusivité des sources et au contrôle des réflexions sur les surfaces environnantes.
La gestion des objets sonores est plus délicate car il s’avère difficile de loger une source ponctuelle là où il n’y a pas d’enceinte. Le système Atmos prévoit donc des sources physiques en hauteur pour compléter la répartition tridimensionnelle des objets sonores (pas celle des ambiances, déjà bien distribuées).
Techniquement parlant, Dolby aborde cette question de plusieurs manières selon qu’il s’agit d’une configuration professionnelle ou domestique.
Les salles de cinéma Atmos disposent d’un grand nombre d’enceintes, tant sur les murs qu’au plafond, chacune étant alimentée par un amplificateur dédié. Les ambiances sont distribuées simultanément sur un nombre d’enceintes organisées en réseaux (5.1 ou 7.1) pour envelopper une large zone tandis que les objets sont reproduit par un nombre limité, parfois une seule enceinte. Des haut-parleurs fixés au plafond (overheads) arrosent les spectateurs par zones relativement diffuses grâce à la hauteur élevée.
A contrario, la hauteur disponible dans une pièce d’habitation est souvent limitée. Dans ces conditions, la reproduction réaliste des objets sonore avec des haut-parleurs fixés directement au plafond n’est plus possible à cause de la localisation qui devient trop précise.
La configuration de la figure ci-dessus présente une enceinte fixée au plafond à une distance d3 des oreilles du spectateur. Cette distance étant plus courte que les précédentes, on aura besoin d’encore moins de puissance pour atteindre le niveau sonore de référence. Parallèlement, la réverbération engendrée par cette source sera diminuée d’autant. Le niveau de l’intensité réverbérée R3 devient très inférieur à celui du champ direct. Les oiseaux sont sur le chapeau du spectateur au lieu d’être dans les arbres quelques mètres au-dessus. C’est encore l’inverse de l'effet recherché.
RésuméVoici les trois modèles précédents rassemblés sur un même graphe. On retrouve le canal de façade en bleu à la distance d1 avec le niveau d’émission L1 et de réverbération R1. Idem pour les canaux surround d2, L2 et R2 en jaune ainsi que les overheads au plafond avec d3, L3 et R3 en rouge. Le niveau d’écoute directe (Ref) est constant pour les 3 modèles. Par contre, l’écart de niveau entre le son direct et réverbéré varie considérablement.
---------------------------------------------------------------------------
Prenons un exemple chiffré pour situer l'importance de ce phénomène
On veut connaître le rapport d’intensité entre le champ directélis par une enceinte et le champ réverbéré produit dans la pièce d’écoute.
Données :
- Considérons une pièce rectangulaire qui mesure 6m x 4m x 2,5m
- La durée de la réverbération choisie pour l'exemple correspond à la moyenne officielle observée dans les habitations en Europe, soit 0,5 seconde.
- La dispersion de l’enceinte à 1000Hz de 90° en horizontal et 60° en vertical.
- On règle le niveau d’écoute de référence à 75dB, soit 10dB en dessous de la norme cinéma mais qui correspond mieux aux habitudes des home-cinéphiles. De toute façon, le niveau de référence n’a aucune incidence dans l’évaluation qualitative du champ surround.
- On considère toujours une seule enceinte à la fois pour ne pas encombrer le calcul avec les interférences.
- L’auditeur est assis à 4 mètres de l’enceinte
Calculs :
1- On calcule d’abord la surface développée : 98 m² et le volume brut : 60m3
2- Pour produire 75 dB à 4 mètres, le niveau d’émission L1 sera : 75 + 20 x Log(4) = 87dB à 1m.
3- Connaissant le volume, la surface et la réverbération mesurée on peut extraire le coefficient d’absorption moyen : a = 0,16V/ S x T60 = 0,2
4- La dispersion H90° x V60° correspond à un facteur de directivité Q= 8,7
5- Connaissant le niveau d’émission, la distance d’écoute et la directivité de l’enceinte, on peut obtenir le niveau de puissance Lw de l’enceinte. Lw = L1- 10 log (Q/4 x pi) = 88,64 dB
6- De là, on peut déduire la constante R de la salle qui définit la relation entre le coefficient d’absorption moyen et la surface développée. R = S x a /1-a = 24 m²
7- L’intensité du champ réverbéré sera : Lrev1= Lw + 10 x log (4/R) = 80,85 dB
8- La somme du signal direct et du signal réverbéré perçue par l’auditeur sera 75 + 80,25 = 81,85 dB
Ce qui correspond à 20% de son direct et 80% de son venant des murs.
On a donc beaucoup plus de son réverbéré que de son direct, alors que l’on cherche à obtenir l’inverse.
Ne soyez pas surpris par ces chiffres et ne croyez pas qu’une erreur s’est glissée dans le calcul. Je mesure régulièrement des valeurs comparables dans les HC que je visite.
On peut répéter le calcul avec les autres enceintes en changeant simplement la distance d’écoute et en conservant toutes les autres caractéristiques.
On obtient le tableau suivant :
Pour vous rendre compte, voici des extraits sonores ou le niveau du signal direct est constant et où la réverb varie en fonction de la position physique de l'enceinte.
Façade:
ce que vous devriez entendreFaçade:
ce que vous entendez Le son est en recul.
Overheads:
ce que vous devriez entendreOverheads:
ce que vous entendez L'ampleur a disparu.
J'espère vous avoir ouvert les yeux sur un aspect de l'immersion sonore trop souvent négligé.
Remarque: cet exposé est très simplifié. Il ne considère qu'une seule fréquence et suppose tous les murs identiques. Dans une étude réelle, je répète le calcul pour chaque tiers d'octave en tenant compte de la variabilité des caractéristiques d'absorption, des angles d'incidence, des résonances stationnaires, de la directivité variable des enceintes, de la surface d'écoute, etc... Cependant le principe s'applique et cette question doit être considérée dans tous les cas.