Le contenu de ce sujet est l'un de plus intéressants que j'ai lu depuis longtemps.
Je n'ai pas envi de m'engager dans ce qui ressemble trop souvent à un dialogue de sourds, ni de compter les points entre chaque partie pour savoir s'il y a un vainqueur sur chacun des points qui ont été abordés (chose que je pourrais aisément faire pourtant).
Par contre, il y un argument qui est fréquemment revenu dans les messages des uns et des autres, un autre "lieu commun" de la hi-fi, et qui me fait réagir.
Je cite
in extenso les passages incriminés:
CalvinHobbes a écrit:La fidélité n'existe pas. Je n'ai jamais entendu une reproduction de piano qui sonnait comme un piano. Alors, les marques, toutes, nous proposent des points de vue sur la musique...
alexandre t a écrit:(...) évaluer la "véracité" d'un système est une illusion ! (...) je n'ai jamais entendu de système restituer réellement un piano.
alexandre t a écrit:Je n'entends jamais cela en live, tout comme toi, haskil, tu n'entends pas sonner des Naim ou Rega comme en live.
alexandre t a écrit:On ne peut dissocier une préférence ou une critique de ses préférences esthétiques. Car la recherche de la véracité sonore, de la neutralité n'est qu'un choix esthétique, dont les critères ne peuvent pas être consensuels.
haskil a écrit:Quand je lis qu'un piano ne sonne pas sur une chaîne hifi comme en vrai! Je le confirme.
KHOI a écrit:PS : pour moi, la haute-fidélité est un leurre, un Graal complètement irréaliste.
Inutile de rechercher une reproduction parfaite du son, je n'en ai jamais entendu, quel que soit le système et son prix.
En un sens, tous les systèmes que j'ai entendu sont mauvais à reproduire le son de manière fidèle. Très mauvais, même.
Il suffit d'aller au concert pour se rendre compte du monde qu'il y a entre le son du concert et sa reproduction.
Car rien que l'enregistrement lui-même est limité... et le tout passe par un lecteur, un ampli, des cables puis ça ressort par un cône tenu par des bouts de caoutchouc autour... lequel cone vibre comme il peut au gré de la musique, le bougre !
Face au mur sonore produit par un grand orchestre et ses dizaines de musiciens dans une grande salle, les moyens sont pour ainsi dire... pathétiques ! Ou encore la richesse infinie des harmoniques d'un grand piano...
KHOI a écrit:Le son ?
Ben quand on est loin... ou compressé dans la fosse... ou en plein air avec 60000 personnes... ou quand l'amplification s'appelle Peavey , Mesa Boogie... ou quand la salle est minuscule (genre caveaux de jazz)...
Le son est souvent mauvais : "criard", "distordu", ou "étouffé", ou "trop fort"... et toujours bien loin de la hi-fi !
Grosso modo, cet argument qui me hérisse, c'est celui qui consiste à dire: "Il est vain de chercher dans le son produit par une chaîne hi-fi une réalité qui est inatteignable. Jamais une chaîne, limitée par nature, ne pourra sonner comme une représentation live".
Cette idée m'apparaît à la fois fausse et dangereuse.
Je suis convaicu qu'elle est fausse de par mon expérience. Je sais, c'est peu, et vous me direz que l'empirisme n'est pas le meilleur moyen de démontrer ou de démonter une proposition. Il est vrai aussi que, là où j'habite, je n'ai jamais eu l'occasion d'écouter un récital de piano, et je ne peux savoir si cet instrument sonne sur ma chaîne comme en vrai. Je mentirais également si je vous affirmais qu'entre les concerts de l'orchestre de Strasbourg et le disque, je retrouve la même chose. Mais cela ne veut rien dire, car je n'ai jamais été à la Philharmonie de Berlin, au Concertgebouw, au Metropolitan, ... Et je préfère, comme haskil, les disques aux concerts auxquel j'assiste parce qu'il est manifeste que jamais l'OPS n'a soutenu le niveau des formations les plus prestigieuses. Alors je préfère le son de la musique en conserve au son de la musique
live, même si je dois supporter sur la musique symphonique la désagréable impression d'une "basse fidélité", comme l'a joliment écris je ne sais plus qui (qu'il me pardonne de l'avoir oublié!). Impression fausse peut-être et en tout cas non-vérifiée, tant que je ne l'aurais pas établie avec un bon disque de l'OPS enregistré dans sa salle Erasme du Palais de la musique.
Mais, à côté de cela, j'ai une bonne expérience, dans quelques églises de ma région, de leurs grandes orgues baroques. Des instruments d'une richesse de timbres confondantes placés dans des acoustiques qui me sont familières pour y avoir été souvent et m'y être recueilli, pas devant Dieu, mais devant la beauté des lieux, et aussi pour y avoir vécu quelques événements marquants de ma vie. Des instruments honorables, parfois magnifiques, que j'ai pu écouter sous toutes les coutures: de devant, de derrière, à côté du clavier, à la meilleure place depuis les tribunes, dans la nef, au fond ou près du choeur. J'en ai manipulé les vieux soufflets manuels, j'y ai joué avec émotion et dans une crainte toute religieuse, parce que je ne suis pas musicien, quelques notes. J'ai contribué à la réalisation de quelques prises de son amateurs aussi.
Eh bien, sur certains disques -les meilleurs- (naturel, niveau d'enregistrement, ...) d'oeuvres jouées sur ces instruments-là, que je connais maintenant bien, j'ai été subjugué par la fidélité dont était capable ma chaîne. Timbres, niveaux sonores, réverbération, bruits de mécanique: tout y était confondant de réalité. Ayant écouté, comme je l'ai mentionné, ces intruments sous pas mal de coutures, je peux à peu près mesurer la façon dont ils devraient sonner en fonction de la position des micros. Et en m'y plaçant mentalement, je suis, oui, convaincu qu'il me sont restitués tels qu'ils y sonnent en vrai. Et même si je ne fais pas cette opération mentale, je suis tout autant bluffé par ce qui ne nécessite pas cet effort pour être vérifié: les timbres, la puissance sonore, la bande passante (même le grave, qui est là et bien là!).
Dire que c'est parfait m'est impossible. L'illusion était trop prenante, trop évidente pour que je doute et que je me pose des questions. Alors, par prudence, je ne dirais pas que c'est de la parfaite fidélité, mais de la haute fidélité, sans aucun doute.
Alors oui, j'affirme, contre cette idée que j'ai relevée et que je combat, qu'une chaîne est capable et bien capable de donner de la musique qui soit fidèle à l'original et je récuse l'idée selon laquelle, par nature, la musique enregistrée ne peux être confondue avec la musique vivante. Et je ne suis pas en train de me laisser déborder par une quelconque "fidélité à l'émotion" qui abuserait mes sens et me rendrait complaisant vis-vis de défauts proprement sonores.
Cette idée de l'impossiblité de retrouver l'illusion de la musique vivante avec une chaîne, je la combat avec véhémence d'autant plus qu'elle est par quelque côté dangereuse, quoique ce terme est peut-être un peu fort.
En effet, si l'on admet, si l'on capitule devant cette idée, on sera toujours plus prompt à excuser certaines imperfections de tel ou tel maillon, incapable de faire illusion, sous le prétexte fallacieux, que l'on "ne peut pas faire entrer un orchestre symphonique ou même un piano dans son salon" suivant la formule consacrée. Cette opinion, trop largement répandue, sert d'excuse à du matériel qui est effectivement incapable de haute fidélité. Et pourtant, et je persiste dans mon témoignage, cette fidélité, elle peut exister.
Alors que si on abandonne par avance l'espoir de trouver avec une source, un amplificateur et une paire d'enceintes, le son tel qu'il est en lui-même, il est trop facile ensuite d'admettre que quelques-uns des ces appareils soient obligés d'enjoliver ou de tricher pour atteindre à une certaine forme de fidélité qualifiée qui se substuerait à la vrai fidélité, prétenduement impossible à obtenir.
Et de justifier par une telle démarche faussement raisonnée une politique tarifaire.