Vu
Carlos (le terroriste qui fit trembler le monde) d’Olivier Assayas en DVD (version de 5h30)
Résumé : Véritable mythe, Carlos est au cœur de l’histoire du terrorisme international des années 1970 et 1980, de l’activisme propalestinien à l’Armée rouge japonaise. A la fois figure de l’extrême gauche et mercenaire opportuniste à la solde des services secrets de puissances du Moyen-Orient, il a constitué sa propre organisation, basée de l’autre côté du rideau de fer, active durant les dernières années de la guerre froide. Le film est l’histoire d’un révolutionnaire internationaliste, manipulateur et manipulé, porté par les flux de l’histoire de son époque et de ses dérives.Difficile de parler de long-métrage ou de série, vu que le projet se situe à mi-chemin. J’ai vu la version de 5h30, diffusée à Cannes et divisée en 3 parties, que Canal + avait programmée sous la bannière « les séries originales de Canal + » mais aussi sous l’appellation « Créations originales » et disponible en coffret DVD. Assayas en a également tirée une version pour l’exploitation en salles avec un montage de 2h45.
On n’attendait pas forcément Assayas sur un tel projet (tant sur le format que sur le sujet) mais après avoir dévoré les 3 parties, je dois dire qu’il s’en sort à merveille aussi bien dans sa manière de faire vivre une époque (70-80) que dans sa volonté de proposer un portrait tout en ambigüités du terroriste le plus célèbre avant Ben Laden. Son Carlos montre l’importance du personnage sur l’échiquier géopolitique de l’époque, de sa « gloire », quand les deux blocs s’affrontent (les années 70) à son « déclin » quand les cartes sont redistribuées (des années 80 jusqu’à la chute du Mur de Berlin). Et surtout, à travers Carlos, Assayas s’intéresse au destin des idéaux révolutionnaires de gauche (révolutionnaires allemands, japonais, français, basques…), à quel moment l’idée devient action violente et la révolution terrorisme (et terrorisme d’état).
Le film-série est construit et découpé en 3 parties. Dans la première, parfois un peu trop biographique et manquant un peu de matière psychologique, on suit Carlos, le révolutionnaire, cet insurgé antisioniste, anti impérialiste, qui déjà a participé à des camps d’entraînement en Jordanie et se revendique du FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), à travers une séries d’actions et d’attentats principalement à Paris (le tristement célèbre attentat contre le Drugstore St Germain). La seconde partie, la meilleure, suit Carlos, le terroriste, lors de la prise d’otage des ministres de l’OPEP à Vienne jusqu’à sa mise à l’écart du FPLP par son fondateur Haddad. La dernière partie suit Carlos, le mercenaire, qui a fondé son propre groupe et vend ses services au plus offrant ou à celui qui peut lui assurer une protection (Hongrie, Lybie, Syrie ou Soudan). Et à mesure que l’échiquier politique bouge, Carlos est de plus en plus isolé jusqu’à son inévitable arrestation et condamnation.
La force d’Assayas c’est de prendre son temps (le format le lui permet), de s’appuyer sur un important travail de recherches pour parfaitement resituer le contexte politique et historique de l’époque et surtout de faire entière confiance à Edgar Ramirez pour porter le projet. L’acteur vénézuélien (comme Carlos) est impressionnant de force, d’aisance et se montre crédible dès la première seconde. Une véritable performance qui fait de son Carlos un personnage intelligent, séducteur, aux accès de fureur glaçants. Il est aussi détestable que fascinant et offre au spectateur une vraie complexité (Assayas refuse, avec raison souvent, l’explication psychologique et privilégie l’action).
Une réussite de forme et de fond, accompagnée d’une excellente BO post punk (New Order, Wire, Dead Boys…) et portée par un acteur magistral (César du meilleur espoir masculin pour ce rôle).