» 17 Nov 2014 16:37
1987 & 1988 sont des années où Stromberg s'initie à la loi du Change. Il ne fait en cela que suivre le rythme de l'actualité.
En 1987, par exemple, L'Union Soviétique - menacée d'asphyxie - propose aux Etats Unis l'option double zéro. Zéro SS20 contre zéro Pershing. Un marché étonnant car on se demande encore aujourd'hui qui gagne quoi que ce soit en échangeant rien contre... rien.
Olaf s’intéresse aux ambigüités. Il confie ses réflexions à Wim Wenders qui lui propose de venir le rejoindre sur le tournage des Ailes du Désir à Berlin afin de lui offrir quelques explications sur l'importance du "rien" en situation. Sur place, Olaf dont c'est la première visite en Allemagne, s'enthousiasme sur la vitalité d'une jeunesse qui répond à son double, de l'autre côté d'un mur. Entre deux Peppermint il se lie également d'amitié avec Nick Cave, un musicien qui joue dans son propre élément dans les sous sols de l'ancienne capitale allemande. La nuit, les trois se promènent régulièrement devant l'obstacle érigé par le communisme pour lutter contre la fuite des anges de leur propre Paradis.
Un témoin se souvient d'une scène étrange dans une brasserie du Kreuzberg (le Max u. Moritz NDR). Wim Wenders, dans un état proche de l'ébriété, pointe l'index sous la narine d'Olaf et lui intime de citer un réalisateur connu dont il ne penserait rien. Sans hésiter, son collègue de beuverie aurait répliqué "Oliver Stone ! Son cinéma ne m'évoque rien. Absolument rien. Si j'avais des Pershing, ou des SS20, je les échangerais contre l'intégralité de sa filmographie". Les deux éclatèrent de rire.
Oliver Stone n'avait pas encore osé infliger Wall Street aux spectateurs. Un long métrage navrant mais marquant qui allait faire titrer à Psychologie d'Hollywood (un fanzine underground diffusé dans la galaxie professionnelle) "On ne peut projeter que l'essence de ce que l'on est soi-même". Bien plus tard, O.S. à ne pas confondre avec O.S., fera amende honorable avec une suite destinée à raboter son erreur de jeunesse.
Revenons aux réalisations de Stromberg de la même époque. Le Panthéon des fourbes (1987) et La pyramide des jetons (1988).
On se souvient qu'il avait substitué les capitaux de l'un pour filmer l'autre. Devant le succès et la révélation de la supercherie aucun investisseur n'y trouva à redire mais il venait de démontrer les arrangements avec les principes devant la dictature du résultat. Oliver Stone, loin d'être né de la dernière pluie tenait sa revanche et déclarait un jour en interview "c'est la preuve que j'avais raison et il a pu vérifier qu'une liasse de billets est plus puissante que n'importe quelle Idée".
Observons à présent chaque film dans le détail.
Le Panthéon des fourbes (1987) : Tourné avec le budget de la Pyramide des Jetons, il s'est donc appuyé sur l'autre pour exister. L’honnêteté de Stromberg c'est de l'avoir proclamé. En annonçant publiquement sa "fourberie" dans le titre, il l'annihilait. Mieux, il révélait l'incroyable astuce. Une astuce assez alambiquée pour conserver sa magie, même après la révélation du truc. Ce truc est, pour simplifier, la pré-supposition magique post-dévoilée normale.
La Pyramide des Jetons (1988) : L'histoire d'un exploit surhumain, qui défie l'entendement, mais non pas dans sa réalisation - somme toute assez simple - mais dans sa narration et la transmission toujours davantage ritualisée d'une fausse naissance. Une vérité arrangeante érigée en exemple sur laquelle bâtiront ensuite ceux qui trouveront intérêt à perpétuer le mensonge. Des histoires de pierre brute et de pierre taillée burinés dans la matière de son propre imaginaire.
(en cours)