Habituellement, j'écoute seul et j'écoute beaucoup de musiques de façon professionnelle. Ce qui fait que j'ai une écoute moitié hédoniste-moitié prof : j'écoute attentivement pour tenter de comprendre ce que fait le musicien : les rapports de tempo (tiens, il accélère cette entrée de fugue, c'est pas bien; tiens il accélère dans les crescendos et ralentit dans les crescendos, c'est pas bien non plus; tiens il ne joue pas bien juste et ses tempos, son articulation sont capricieuses)...
Quand j'écoute des disques que je connais bien, que je les écoute pour mon plaisir, l'écoute est beaucoup plus déconnectée de l'analyse et je me laisse vraiment aller : ça peut venir dès la seconde écoute quand l'interprète, même s'il fait des erreurs a une interprétation qui tient debout; parfois ça vient dès la première écoute quand il est exceptionnel... et même quand il se trompe... c'est difficile à expliquer mais... j'ai écouté, récemment, le Quatrième Concerto de Beethoven par Clara Haskil et Karajan en public : elle se plante de ci de là, mais sa sonorité, ses phrasés, sa présence, son humanité balaient toute velléité de relever les fautes : elles sont comme la coquetterie dans l'oeil d'une jolie femme...
Ecouter seul ou à plusieurs... ça dépend! J'ai un ami avec lequel j'aime écouter de la musique car nous n'entendons certes pas tout à fait la même chose parfois. Il peut être plus sévère ou plus gentil que moi, ça dépend, mais sur l'essentiel, ce qui est difficilement exprimable, nous ne faisons qu'un quand on écoute de la musique.
D'ailleurs quand j'ai un doute, je l'appelle ou je vais le voir : le simple fait d'écouter en même temps que lui fait que je comprends ce qui me restait incompréhensible.
En fait, ils sont deux, comme ça. Lui qui est peintre et un pianiste qui agit de la même façon comme un révélateur pourtant muet...
une chose étrange aussi, écouter le même disque que je ne connais pas, ailleurs que chez moi provoque aussi des réactions étranges : je l'entends mieux, bien souvent...
Mais je n'écoute pas la musique de la même façon que bien des mélomanes. Je ne peux m'empêcher d'avoir une écoute analytique et polyphonique, ce qui fais que ces histoires de CR de revues où l'on parle de suivre la mélodie, de sens du rythme me font un peu sourire car tous ces élements sont indissociables : la musique est une association de phénomènes qui prennent en compte l'harmonie, la hauteur, le phrasé, la sonorité, le tempo, plein de choses qu'il faut écouter et entendre (au sens comprendre) en même temps.
Alain