(suite)
Face à l’Odin, le Vali ne va pas à vau-l’eau Commençons par les querelles de familles, histoire de placer l’ambiance, autrement dit petite comparaison du Vali avec l’Odin. Deux Kennerton face à face, ou côte à côte, de quoi regretter de n’avoir pas deux paires d’oreilles – mais qui sait, un jour peut-être une mutation audiophile permettra de repérer les amateurs de casques à vue d’œil…
Et pour commencer,
You’re Under Arrest de Gainsbourg (1987), le morceau qui donne son titre à l’album, que j’ai d’abord réécouté avec le Vali avant de passer sur l’Odin. Odin que j’ai désymétrisé pour l’occasion, histoire de rester équitable: il faut quand même légèrement baisser le volume sur l’Odin, donc le monter un tout petit peu sur le petit frère, différence qui reste légère, mais qui a son importance.
En passant du petit au grand, ça donne d’abord l’impression que le registre grave est plus en avant avec le Vali qu’avec l’Odin. Impression qui est peut-être en partie falacieuse. Cela s’explique àmha par le fait que la restitution de l’Odin est plus claire dans le médium et le médium aigu, avec plus de présence et de matière, et que l’aigu est moins en retrait que sur le Vali. Les sifflantes et les accentuations qui sont présentes sur l’enregistrement de Gainsbourg (on les entend toujours, plus ou moins, quel que soit le casque) en témoignent. La différence de signature me semble plus tenir au fait que le Vali est un peu en retrait sur le medium, et un peu plus mat dans le haut du spectre que son aîné.
En passant au morceau
Sorry Angel, tiré de l’album
Love on the Beat (1984), ça se confirme: l’Odin n’a pas moins d’assise ou d’ampleur dans le grave, il propose même àmha, un grave plus délié, plus net, moins “ronflant” que le Vali, lequel enjolive plus les choses. Question de différence de signature donc: avec un casque dont le médium et le haut médium – zone sensible de l’audition – sont un peu en retrait, un peu descendant ou un peu mat, on peut avoir se permettre de monter le volume, ce qui remonte d’autant les deux extrémités du spectre. Cela permet au Vali d’offrir une écoute spectaculaire et qui “tient la route” en comparaison avec celle offerte par l’Odin. Il faut passer à la comparaison directe, à la fois pour situer les différences et comprendre pourquoi l’Odin fait “mieux”: ligne de basse un peu plus “physiologique” ou impactante, qui descend, ce me semble, un peu plus, en tout cas avec plus de netteté, médium et haut médium plus aéré, àmha plus net et plus présent.
Reste que, évidemment, pour les mêmes raisons, on aussi l’inconvénient des avantages: les sifflantes et les chuintantes dont j’ai parlé sont aussi beaucoup plus sensibles qu’avec le Vali, dont la signature douce et moelleuse “arrange” pour ainsi dire pas mal les choses. Sur certains enregistrements – je pense à certains disques de Ferré en public – dans lesquels les colorations sont importantes (et donc incontournables) – utiliser un casque dont la signature générale fait passer le piquant de la sauce, l’autre “solution” consistant à jouer de l’équaliseur au niveau de la source pour retoucher l’ensemble. On imagine aisément qu’il y a trois ou quatre “solutions” assez différentes: changer de casque en fonction du type de disque; avoir une batterie de programmes d’équalisation pour certains disques; se dire que “vu que c’est sur le disque, on doit l’écouter comme ça tant pis”; ou avoir un casque “passe-partout”…
Passons à
Fat Old Sun de Gilmour dans la version du
Live in Gdansk de 2006, l’un des contribution de Gilmour au Pink Floyd – certes, il n’y en a pas beaucoup, mais ce sont à chaque fois des réussites, et l’on est loin de la période disco du Waters de
The Wall, laquelle, bientôt quarante ans après, ne lui a toujours pas passé… Le Vali propose une écoute avec pas mal d’ampleur et d’assise, mais qui arrondit pas mal les angles, de sorte que sur ce type de morceau, c’est quand même moins ma tasse de thé (russe). Par exemple, vers 1’45 puis vers 3’15 les départs de la batterie plus la basse, puis de la batterie plus la basse et le solo de guitare me paraissent tout de même un peu “timides”. D’un autre côté, force est de reconnaître que tout passe facilement et qu’on peut monter le volume à niveau indécent. Mais en passant à l’Odin, il n’y a quand même pas de mystère, ni de miracle: sur les mêmes départs, on a plus de consistance – l’impact est plus physiologique – et plus d’ampleur – la scène sonore est plus large. D’autre part, l’Odin restitue les échos et les réverbs de manière plus nette, plus nuancée et plus immédiatement perceptible; de même la guitare a plus de “mordant”, plus de présence. Mais, encore une fois, c’est une différence non de “qualité”, mais de quantité: l’Odin en fait plus, là où le Vali en fait déjà beaucoup.
Une ou deux autres:
Wish You Were Here et
One Of These Days, dans les versions live données sur
Delicate Sound Of Thunder – versions qui datent de concert donnés à New York en août 88 (les amateurs iront aussi l’écouter dans la version du Concert donné à Melbourne début 1988). Ces morceaux comportent pas mal de réverb et donnent bien l’impression d’avoir été joués dans un stade. Le Vali donne un bel espace et restitue assez bien l’ambiance du show, La guitare sonne bien détachée, très “folk” et pas «noyée» dans l’ensemble, ce qui, mine de rien, est déjà pas mal. Mais en comparaison directe, il paraît un peu en retrait et un peu voilé. Sur le passage où les chœurs chantent en même temps que Gilmour [«O I Wish you where here, We’re just two lost souls, etc»], l’Odin détache mieux les voix les unes des autres, et les chœurs viennent de plus loin sur les côtés. Alors, peut-on se fier à sa mémoire? (vous avez quatre heures pour disserter, ensuite je ramasse les copies et je les jette!). Pour ma part j’en doute, mais l’Odin me semble quand même plus proche de ce que j’avais entendu vers le début de l’été 88 (à Lille), lors d’une prestation du Pink Floyd sur la tournée Momentary Lapse (sans Waters, et toc!).
À me relire, je me trouve sévère dans mon appréciation, et beaucoup plus que les impressions que me donne ce casque. Il faut àmha rappeler une chose: bien souvent ça n’est qu’à la comparaison directe qu’on “entend” très nettement des différences (surtout quand on focalise sur certains passages en revenant en arrière, en jouant de la zapette et en repassant d’un casque à l’autre!). En réalité, sauf ceux qui utiliseraient un casque pour écouter du son (dans un contexte de mixage c’est loin d’être absurde), ou qui auraient l’habitude d’utiliser des modèles de qualité déjà avancée, l’effet probable sera que le Vali est “très bien” et l’Odin, “encore mieux” (surtout si on les écoute dans cet ordre). Mais, à ce niveau-là, il n’y a pas de “mauvais casques” et – amateurs de haut médium et d’aigu très avant exceptés – je ne pense pas qu’il puisse faire mauvaise impression. Le signe évident c’est que, même en repassant de l’Odin au Vali, si je laisse couler le morceau, il faut très peu de temps pour s’y faire: en quelques secondes, on est à nouveau pris par la musique. Il a simplement une signature moins punchy, moins “rock’n’roll”, un peu moins “dans le détail” et large que celle de son grand frère; il donne une écoute plus intimiste, plus en douceur et plus confortable sur certains points. Mettons qu’on mette l’Odin et le HE6 dans le même coin du ring, on pourra (je parle de mémoire) sans doute mettre le Vali et le Chroma dans l’autre coin.
Alors, disons qu’avec le Vali, on fait du vélo dans une douce plaine ensoleillée de printemps, et qu’avec l’Odin on remonte l’eau du torrent en kayak en guettant de l’oeil les truites. Comparaison qui n’a, me diras-tu aucun sens, sauf pour moi, ce qui n’est déjà pas mal. Mais bon, je vois à ta mine qu’il faut être patient: avec l’Odin, le show floydien est dans un Grand Stade et je revois les lumières – avec le Vali, on est plutôt à l’Olympia, ce qui n’est pas mal non plus.
Un peu de classique, maintenant, histoire de changer de registre. Et pour commencer, la première plage de l’un de mes disques préférés,
La Folia de Savall (sorti en 98 chez AliaVox). Avec l’Odin, comme d’habitude, l’un des – rares – reproches que l’on peut lui faire, c’est d’étaler en largeur ce qui devrait se disposer en profondeur, c’est-à-dire de transformer la 3D du morceau en 2D. Ça reste large, et au niveau du visage, et non “derrière les oreilles” comme avec une large partie des casques présents sur le marché. Mais néanmoins, on n’est pas “devant” la scène, et plutôt “dedans”. Cela étant, l’ouverture vers la 3D reste – hors usage de software de type “holophonie” – très rare.
Les critiques sur l’écoute au casque portent d’ailleurs souvent sur ce point, auquel on reproche de manquer de naturel. Ce qui me fait dire qu’on est tellement habitué au trucage proposé par des enceintes que ce dernier n’est plus perçu comme tel. Et pourtant… Ceux qui vont de temps dans un concert de jazz (ou un concert de classique, même si là, il est rare que les gens bavardent et manifestent pendant les morceaux!) savent bien qu’on n’entend jamais les applaudissements, les bruits de la foules etc.
devant soi, mais
autour de soi: à part un système 5.1, et encore, ça ne se reproduit jamais sur des enceintes!
Alors, bon, avec le Vali, la viole de gambe sonne un peu plus mat, un peu moins charnelle et présente, et l’espace est un peu moins large. Mais, encore une fois, rien de bien méchant et, passé quelques secondes, on se prend à ne plus écouter que le morceau. La moindre présence dans le médium/haut médium a d’ailleurs des avantages: ça incite à écouter à plus fort volume qu’avec l’Odin, pour avoir justement un peu plus de présence. J’ai essayé quelques instants sur le début de la 5° de Mahler par Boulez (chez DG), et ça confirme la chose: les grandes masses orchestrales passent vraiment très bien (qui se soucie d’entendre pousser les poils de moustaches du 3° violon quand il écoute en milieu de salle une symphonie classique? qui perçoit réellement chacun des musiciens, à sa place?). De plus, si mes souvenirs des quelques concerts de Savall auxquels j’ai eu la chance d’assister ne me trahissent pas, le Vali ne donne pas l’impression de tricher ou de trahir les timbres des instruments. Disons que c’est plutôt comme si on écoutait d’un peu plus loin avec lui, et de plus près avec l’autre – comme quand on choisit sa place au concert…
Un peu de quatuor à cordes pour suivre: le 3° Mouvement du Quatuor n°5 de Philip Glass (tiré du coffret 10CD “Glass Box” chez Nonesucht); le 6° mouvement du Quatuor à cordes No. 11 en Fa m de Chostakovich par les Fitzwilliam (chez Decca) et le 2° mouvement du 2° quatuor de Bartok par le quatuor Hongrois (chez DG). On retrouve sur ce type de morceaux le même ensemble de différences: médium et haut médium en retrait, écoute légèrement descendant et image moins large sur le Vali, plus de corps, de matière et d’aération sur l’Odin. Mais, en dehors de la différence de signature, même si j’entends bien le côté “plus+plus” du grand frère, force est de reconnaître que le petit dernier n’a pas peur des grands. Il procure une écoute plus “intimiste”, là où le grand frère donne dans l’extraverti. Petit passage sur le premier morceau –
Primeval Sounds (Genesis I) [Cancer] du premier volume de
Makrokosmos de George Crumb (plage 1 du CD Bridge 9155): certes, là, effectivement, le piano est quand même plus impressionnant sur l’Odin que sur le Vali. On l’écoute assis dans les premiers rangs avec l’un, en fond de salle avec l’autre, mais on peut se trouver ne pas faire partie de ceux qui aiment écouter (j’allais dire: s’infliger) du piano à 2m de distance!
Le puiné coûte tout de même deux fois moins cher que l’aîné et tire son épingle du jeu sans qu’il y ait grand chose à redire, et même de manière assez exceptionnelle: pas fatiguant pour un sou (écoute descendante), très fluide et très euphonique (j’y reviens!). Ceux qui reprochent au HD800 son côté un peu agressif vers le haut, auront peut-être à faire la comparaison, en incluant le Chroma – dans cette gamme de tarif, on me dira qu’il y a aussi le HE6, mais avec celui-là, le mariage en ampli ne sera pas aussi facile! Bref, évidemment je préfère l’Odin, on l’aura compris – mais le “évidemment” ne tient qu’au fait que me trouve en avoir un…… Si tel n’était pas le cas, je l’inclurais d’évidence dans un pool comprenant le HD800, le Chroma, le HE6…
Cdlt
![:wink:](https://www.homecinema-fr.com/forum/images/smilies/icon_wink.gif)