Épisode V: Le réveil du FloatPour cette petite comparaison avec le Float, autant le dire tout de suite, il y a un point sur lequel, quelles que soient par ailleurs ses qualités, je ne m’attends pas un seul instant à ce qu’il puisse tenir face au HE-1000, et ce, sans avoir besoin de faire l’essai, dans la mesure où je pense connaître mon PS2 par cœur: c’est sur l’exploration et la qualité de restitution du registre grave. Car c’est là une faiblesse bien connue du Jecklin électrostatique, maintes fois signalée, discutée et documentée: inutile donc de se faire des imaginations. En revanche, la qualité des timbres, de la restitution de la dynamique, l’aération dans l’aigu, ainsi que la capacité à imager de ce bon vieux papy, me paraît avoir encore des choses à dire… Je n’avais, à l’époque de sa sortie, pas plus les moyens de me l’offrir que je n’ai ceux de me procurer son actuel successeur, le QA – le flambeau ayant été repris par QAD:
http://www.quad-musik-shop.com/epages/6 ... cialOffers)
Bref, ce petit essai n’a pour propos que d’aider à cerner les personnalités respectives du HE-1000 et de mon Jecklin (qui est branché sur les blocs à tubes de mon système principal). Et puis de savoir comment le papy et le jeune morveux s’entendent! De là aussi un nouveau programme musical, car, comme on dit, changement de pâturages réjouit les veaux:
Nougayork de Nougaro, dans la version live du
Zénith Made In Nougaro de 1989:
le même extrait de Bach que précédemment: la
Bourrée de la pièce BWV996 de Bach, tirée des
Suites pour Luth par Hopkinson Smith;
Simon Groid de Jeff Tain Watts, tiré de l’album live
Detained At The Blue Note (plage 4) CD de 2004:
So What de Miles Davis, mais dans la version du live de
Miles in Tokyo de 1964 (tiré du coffret intégral Columbia, 70 CD repris par Sony en 2009):
et oui, je sais ce que tu vas dire, mais c’est comme ça:
Comme un arbre dans la ville de Maxime le Forestier (futur prix Nobel !), dans la version du live
Plutôt Guitare:
enfin, le
Stabat Mater Dolorosa tiré du
Stabat Mater de Vivaldi, dans la version proposée par Andreas Scholl, Chiara Banchini et l’Ensemble 415 – ressorti en CD en 1998 chez Harmonia Mundi (2981571):
Commençons, donc, par Nougaro et par le HE-1000. L’entrée du morceau est bien marquée, avec une belle scène sonore et une bonne aération. Au-delà de cette chanson, j’aime énormément cet album, dans lequel Nougaro est au plus haut sommet de sa forme, pour l’un de ses meilleurs disques – même si, à mon avis, il n’y a chez lui que de “meilleurs albums”. Évidemment, le Float donne beaucoup moins de profondeur dans le grave, ce qui ne le rend pas le meilleur candidat pour ce type de musique. Ça reste néanmoins très agréable et, pour mon propre goût au moins, peu frustrant (car il ne faut rien exagérer). L’atmosphère générale est plus “claire”, plus détaillée dans le haut du spectre, avec, je crois, beaucoup plus d’autorité et de dynamique dans cette région. La scène me paraît plus large et un peu plus en avant du visage avec le Float qu’avec le HE-1000. Bref, ça n’est pas mal non plus, même si, au regard des goûts actuels et des modèles disponibles sur le marché, même si le bon vieux Jecklin ne se déshonore pas, il y a fort à parier que beaucoup préféreront – comme moi – le Hifiman, ou d’autres ortho sur ce type de musique.
Petit extrait des suites pour Luth de Bach, avec le Float pour commencer: c’est – pour dire le moins – superbe, hyper transparent, et d’une précision absolument redoutable! J’ai bien fait de ne pas inclure mon intégrale des concerts de clochettes chinoises dans cet essai (t’aurais pas supporté, je pense). La restitution générale est aussi beaucoup plus facile, moins stressée dans la mesure où tout le spectre audible n’est pas sollicité, de sorte qu’on a réellement l’impression que rien ne vient s’interposer entre l’instrument, la musique et soi-même. Ici, sur ce type de critères, le HE-1000 me paraît un peu en retrait dans le haut médium, lequel reste légèrement en retrait par rapport à ce dont le PS2 est capable. Il faut cependant souligner qu’on s’en aperçoit en passant directement de l’un à l’autre et en répétant l’opération pour bien se rendre compte de la différence. Le Hifiman est juste un peu moins “aérien”, moins délié et très légèrement plus “tassé” dans cette région, même s’il est évident qu’entre les deux, il n’y a pas non plus des kilomètres.
L’album de Jeff Tain Watts, enregistré en live au Blue Note, est l’une des perles issues de cette salle légendaire. Avec le HE-1000 on a droit à une superbe entrée de la contrebasse, impressionnante de présence. Les cuivres – Kenny Garrett et Marcus Strickland – sont rutilants à souhait et, bien sûr, aux percussions, toujours hyper présent et sans jamais chercher à se mettre en avant de manière inutile, Jeff Watts himself. Évidemment, tout le monde n’a pas la chance, ni les moyens, ni l’occasion d’aller jusqu’à New York pour s’asseoir à une table de ce lieu mythique et…… écouter! Mais voilà le genre du disque qui consolera tout le monde – moi le premier, vu que New York, depuis ici, c’est pas direct en train. Le HE-1000 est, à mon sens, un casque qui rend admirablement cette atmosphère live. Et donc, passons au Float – avec des craintes de pas assez côté contrebasse, mais aussi de trop côté cuivres. Laquelle contrebasse diminue certes de taille, à moins qu’elle n’ait reculé de 4/5m, même si elle reste crédible. En revanche, la bonne nouvelle, ce sont les cuivres et les percu, qui, à nouveau me paraissent nettement mieux rendus. Le registre haut médium n’est pas plus en avant, plus souligné ou coloré, mais ça joue plus clair, parce que c’est tout simplement plus transparent en même temps que plus fluide. J’ai toujours tendance à me rappeler du Float comme “montant”, car, quand on se réfère à sa mémoire, on simplifie. Ce casque est en réalité l’une des meilleures réussites que je connaisse en matière d’aération et de transparence, d’air autour des instruments, ce qui le rend redoutable sur ce type de musique, de petites formations en live. Sur ma préférence ici, je n’ai aucun doute, car autant de relief et d’évidence sur des sax sans jamais une once d’agressivité, ça ne court pas les rues. Cela étant, en repassant au HE-1000, je constate qu’il ne s’agit pas d’un “recul”, et qu’on ne passe pas d’un casque “ouvert” à partir du haut médium à un casque qui manquerait d’extension dans cette zone ou au-dessus. C’est seulement qu’il ne met pas ce registre en avant et reste discret sur ce point — sans pour autant manquer ni de couleur ni de vivacité.
J’en dirais autant de l’album live
Miles in Tokyo et de la version de
So What qu’on y trouve, et qui vaut, àmha le détour. Ça commence sur un rythme tellement rapide qu’on se demande où on va et si ça va tenir – et bien évidemment, on a Miles toujours en place et inventif au possible. Certes, ça n’est pas un enregistrement d’une qualité des plus époustouflantes, mais pour un amoureux du jazz et de Miles Davis, c’est, je pense, un incontournable. Le Float s’en tire très bien, même si je trouve la contrebasse un peu molle et effacée, et des effets de latéralisation très accentués, avec comme une sorte de “creux” au milieu… En passant au HE-1000, l’accentuation dans le registre grave convient mieux: la contrebasse n’est pas moins molle, mais un peu plus présente. En revanche, la trompette me semble quand même moins brillante et un peu en retrait. Ce qui veut dire que l’on entend exactement les mêmes défauts que précédemment, un creux au milieu de l’image, un grave mal défini et mou et toute la prise de son centrée sur Miles Davis: logique, c’est sur le disque. Dans le cas présent, tout dépend de ce qu’on cherche: si c’est pour Miles et ses solos, je pense le Float préférable, mais si c’est pour le band, le surcroît d’assise dans le grave “rattrape” un peu l’enregistrement et donne un meilleur résultat. Tu me diras que passer un mauvais enregistrement pour essayer un casque, c’est limite: mais c’est quand même Miles!
Avec le Float, l’ambiance live du concert de Maxime (futur nobélisé, je le répète) est très bien rendue et je ne vois pas ce que l’on pourrait demander de mieux. Sur le HE-1000, la voix est moins proche – mais, pour la même raison, moins dure (y compris si on monte le volume). Ce qui donne, certes, moins de présence, mais aussi plus de douceur. Là-dessus, je laisse chacun conclure: les uns diront que le Hifiman est en retrait quand les autres affirmeront que le Float est en excès – le plus probable me paraissant que c’est un peu les deux et que chacun a sa propre tendance, inverse sur le médium, me semble-t-il. Ce qui fait que selon le type de musique et d’attentes, le jugement peut changer. Le
Stabat Mater de Vivaldi, dans la superbe version aussi élégante que fiévreuse, aussi élevée que méditative de l’Ensemble 415, permet de bien mesurer la différence. Le HE-1000 propose une restitution à la fois douce et détaille, avec la voix qui se localise un peu en arrière, au lieu d’être au-devant et un peu sur le côté de la scène, là où le Jecklin restitue une voix et des timbres superbes, avec une scène sonore plus large et mieux localisée – et ce sans retrait audible, malgré la présence d’un orgue. C’est pas le morceau le plus gai du répertoire, certes, mais on n’est pas toujours là pour rigoler. Et à chacun de choisir ce qu’il préfère.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, le Float reste en réalité très “à la traîne” sur au moins un registre très important – ce que la playlist précédente a laissé volontairement de côté. Histoire qu’on me comprenne bien, je me suis aussi passé, en fin de session quelques morceaux: le
Requiem pour un con de Gainsbourg
Initials BB de 1968,
La Nostalgie Camarade Mauvaise Nouvelle des Étoiles 1981, et
Kiss Me Hardy Love On The Beat 1984, et
High Hopes dans les 2 versions de
The Division Bell (fichiers 24/96 de chez qobuz) et du
Live in Gdansk. Et là, le Hifiman reprend très très largement la main, car le Float manque, par comparaison d’ampleur et d’impact dans le grave, le reste du spectre et la scène sonore étant largement au rendez-vous… et ce sans compter que son haut médium est impitoyable sur les sifflantes et les passages un peu difficiles, en particulier sur Gainsbourg – ça n’est que sur LE point fort du Float, qui se révèle sur certains disques et un certain type de programme qu’on peut et non pas qu’on doit le préférer…… sur du baroque et du jazz en live, en particulier, tout se discute et pour un casque de son âge, le vieux Float se réveille facilement et a de beaux restes, comme on dit: le papy est à l’aise dans l’ancien. En face de lui, le petit jeune, sans avoir les dents qui rayent le parquet, lui tient la dragée haute et, sur du rock ainsi que sur des grandes masses symphoniques, passe devant haut la main en sifflotant. Ce qui ne veut pas dire que le morveux ne serve qu’à écouter du hip hop: il peut, mais il est ouvert aussi à tout le reste… Ça aide, me semble-t-il, à mieux se figurer le médium/haut médium du Hifiman, lequel est à la fois fluide, bien détaillé et pas agressif pour un sou, mais au contraire tout en douceur sans arrondissement importun des détails ou des timbres.
Cdlt