Après avoir acheté plusieurs centaines de CD fabriqués au Japon et pas mal d’autres fabriqués ailleurs dans le monde et vu les questions posées par les nouvelles « technologies » de fabrication japonaise (SHM, Blu-Spec, HQCD), j’ai effectué quelques constats que je souhaite partager avec les mélomanes audiophiles.
a) AVANTAGES DES CD JAPONAIS
N° 1 : Finition inégalable
- l’emballage plastique est de qualité et s’enlève grâce à une boucle,
- le plastique des boîtiers est un peu plus épais,
- la pochette intérieure est généralement en parfaite état et maintenue grâce à un système de « rectangle » qui évite d’abîmer la pochette,
- le CD est d’une épaisseur standard.
Par contre, de nombreux CD européens (essentiellement ceux fabriqués au Royaume-Uni – les pires en matière de soin, mais pas de son) sont vendus sans emballage plastique, résultat, on vous vend parfois un CD de deuxième main pour un neuf. Un exemple tout récent : je commande deux CD du même label à Amazon.fr ; tous deux sont fabriqués en Europe. Je reçois l’un avec un emballage plastique, l’autre sans emballage plastique et avec le boîtier griffé. L’un est neuf, l’autre a été ouvert, probablement copié, et ensuite renvoyé à Amazon.fr.
De plus, les pochettes intérieures des CD européens sont parfois pliées, ou abîmées car les boîtiers utilisent encore le système des deux « points » pour maintenir la pochette, ce qui finit par laisser des traces. Les boîtiers sont de piètre qualité, souvent griffés car pas emballés d’origine ou tout simplement par manque de soin. Depuis environ 2004, certains CD sont plus fins que les CD standards (coût de production et crise du CD obligent) – je n’ai rencontré qu’un seul cas parmi les CD japonais où le CD était fabriqué selon ce mode « épargne ».
N° 2 : Service irréprochable
Les boîtiers des CD arrivent rarement endommagés. Exemple réel: je commande deux CD japonais aux Etats-Unis, le boîtier de l’un est cassé à deux endroits et le CD a visiblement été malmené car même la pochette semble en avoir pris un coup malgré le système des rectangles. Le boîtier de l’autre est cassé fortement sur le devant. Je commande des CD japonais, cette fois directement au Japon : ils arrivent en parfait état. Pourtant, tous deux furent livrés par courrier express. Le fait est que les gens qui travaillent au chargement/déchargement des colis au Japon sont soigneux avec la marchandise. C’est aussi simple que cela. Pas d’arnaque comme à Amazon.fr/Fnac, Amazon.co.uk où on vend au client des CD de deuxième main. Au Japon, à un cas près où j’ai eu un doute, tous les CDs vendus comme neufs sont bel et bien neufs.
N° 3 : Le son
Le fait est que vous avez 99% de chance d’avoir le CD qui a le meilleur son possible sur cette planète si vous achetez la version japonaise. Ce qui implique donc que vous n’aurez pas nécessairement un son meilleur que si vous achetez la version européenne ou américaine du CD*.
Deuxième bémol, le 99%. Il vient du fait que je n’ai pas testé scientifiquement un échantillon de CD et du fait que j’ai rencontré un CD pour lequel la version japonaise était décevante. Il s’agit de la version remasterisée de Frankie Goes to Hollywood « Welcome to the Pleasuredome ». Selon la pochette, l’album a été remasterisé au Japon en 2009. L’album a perdu de sa vitalité, la basse est absente. En fait, le best of américain des années 90 donne mieux. J’ai cependant lu un compte-rendu sur la version européenne remasterisée de « Welcome... » et il y était fait mention du même problème ; ce qui pourrait signifier que la remasterisation japonaise s’applique dans ce cas-ci à toutes les autres.
Venons-en au son. Deux aspects peuvent être distingués : la qualité de travail des fabricants japonais et la remasterisation (explicite ou « cachée »).
A. Qualité « Made in Japan »
En raison du caractère méticuleux et exigeant du travail effectué au Japon (utilisation limitée des moules de gravure, contrôle de qualité élevé, modification en studio éventuelle), certains CD japonais sonnent tout simplement mieux que les autres CD. Quelques exemples pour les dubitatifs :
- ma première découverte fut dans l’électro : album « Emotional Technology » par BT. La version japonaise comprend deux CD (les autres pays se contenteront d’un seul CD) ; sur le 2e CD, le titre « The Force of Gravity (Tiesto Remix) ». Comparez-le avec le même titre sur le CD « The Technology EP », pressage américain. Sur la version américaine, il m’est apparu tout de suite que le battement était légèrement distordu. Je vois ce double CD japonais avec quelques chansons exclusives et je me rends compte que sur la version japonaise, le battement n’est plus distordu...
- deuxième découverte : Jerome Sydenham & Kerri Chandler, album « Saturday ». Ecouter la version française ou la version américaine et comparez-les avec la version japonaise. La distorsion présente au niveau du battement a disparu.
- quelques exemples dans le métal : comparez les versions américaines de Metallica (albums : Master of Puppets, And Justice for All et Metallica) avec la version japonaise. Le résultat est incroyable, il y a clairement eu un travail studio pour la version japonaise. Idem pour des albums de Slayer, le cas le plus flagrant est « Undisputed Attitude », comparez la version américaine avec la version japonaise ; le son sur cette dernière est beaucoup plus clair. Ici aussi, vraisemblablement un détour studio.
- autres exemples pop rock : Richard Ashcroft « Alone with Everybody », Wham ! « The Best Of » (un son incroyable).
MAIS pour un bon nombre de CD, il n’y a aucune différence audible entre la version japonaise et la version européenne ou américaine. Exemples : Duran Duran « Greatest Hits », Obituary « The End Complete ». J’ai remarqué une différence de précision dans la séparation de morceaux mixés : album « Significant Other » de Limp Bizkit : la version américaine amorce la piste 7 sur la piste 6, alors que la version japonaise l’amorce sur la piste 7 mais en incluant une demi-seconde de la piste 6 au début. Mais cette différence de séparation n'est pas toujours présente. Ainsi, sur l'album "Standing On The Shoulders Of Giants" de Oasis (version UK) le début de la chanson 5 comprend la dernière seconde de la chanson quatre au début. L'erreur, relativement grossière et incompréhensible sur le CD d'un groupe tel que Oasis, est tout aussi présente sur la version japonaise, malheureusement...
B. Remasterisation, SHM, Blu-Spec et HQCD
Certains CD japonais ont un meilleur son que leurs équivalents européens ou américains car ils ont tout simplement été remastérisés. Pourquoi les Européens et Américains ne peuvent-ils pas bénéficier d’un tel son ? Il s’agit visiblement d’arrangement au niveau du label (EMI, Universal, etc.) suite à d’éventuels demandes de la filiale japonaise ; ou de licences limitées. Il y a plusieurs cas de remasterisation « Japan-only »

- l’album ne sort qu’au Japon : beaucoup d’albums des années 1950 ne sont jamais sortis en CD, sauf au Japon. Ils sortent alors en remasterisation dernier cri (20bits, 24bits, DSD) et sont tirés à un petit nombre d’exemplaires. Exemple : Toni Harper « Night Mood », Bill Snyder « Music for Holding Hands ».
- l’album sort dans plusieurs pays et il est réédité plus tard au Japon avec une remasterisation exclusive. Exemple : Jackie Gleason (sorties américaines remasterisation 20bits, Japon : 24bits), Julie London (sorties européennes 20bits, Japon : 24bits), 3rd Bass "The Cactus Album" (sortie américaine: 16bits, Japon: 24bits), Yes « 90125 » (plusieurs remasterisations exclusives dont la toute dernière en 2009). Autre cas : l’album « Turns into Stone » des Stone Roses a été remasterisé en 2009 et, à l’heure actuelle, cette version n’est disponible que sur la version anniversaire, pressée au Japon, de l’album éponyme.
- SHM (Universal), Blu-Spec (Sony) et HQCD (EMI)
Il s’agit de trois innovations techniques au niveau de la qualité du CD lui-même. Comme discuté dans un autre poste, ces innovations ne donnent pas un meilleur son. Le truc ? Une astuce marketing pour relancer la vente des CD au Japon qui consiste à sortir des CD, fraichement remasterisés, sans dire qu’ils le sont, mais en disant « SHM », « Blu-Spec », « HQCD ». L’avantage pour les labels c’est qu’ils sortent également des versions non-remasterisées, donc exactement les mêmes CD que ceux sortis par exemple il y a dix ans, en disant « SHM », « Blu-Spec », « HQCD » et en les vendant pour près du double du prix des CD standards. Il y a eu peu de HQCD (essentiellement du jazz), un peu plus de Blu-Spec (le format semble avoir été arrêté en 2010) et énormément de SHM.
Exemples de remasterisations cachées, dites SHM : les albums de Rita Coolidge modestement annoncés comme « SHM ». Il s’agit en fait de remasterisation DSD 2009. Que ça... L’album « Stone Roses » des Stone Roses : il sort remasterisé aux Etats-Unis et en Europe ; au Japon, il sort « SHM ». Il s’agit d’un véritable lavage de cerveau, car une fois les gens convaincus de la qualité SHM, il sera possible de leur vendre les « arnaques SHM ».
Les arnaques SHM : Prince « Purple Rain » (aucune remasterisation, c’est la même version que celle de 1990) et tous les autres albums de Prince sortis en SHM, Guns N Roses « Greatest Hits », Soudgarden « A-Sides », Elvis Presley « Golden Records 1 »/ « That’s the Way It Is », Creedence Clearwater Revival « Chronicles 1 & 2 », et tant d’autres...
L’astuce Blu-Spec est la même. Remasterisation cachée : Maynard Ferguson « Conquistador ». Arnaque : Simon & Garfunkel « The Graduate » (ils ont laissé pour quelques morceaux la version « stéréo » de l’époque, c’est-à-dire « à la Beatles » avec les voix d’un seul côté, et la remasterisation est inférieure à celle des albums individuels ou du best of "The Essential").
Ce qui découle des remastérisations cachées est qu’on a plus de chances d’avoir le meilleur son possible en achetant la version « SHM »/ « Blu-Spec » d’un CD japonais plutôt que sa version standard japonaise... Ce qui est le but recherché, faire payer de 75% à 100% plus chers pour parfois un meilleur CD, parfois la même chose. A l’heure actuelle, la production Blu-Spec semble avoir été arrêtée. Par contre, le SHM de Universal continue ; il y a même une version SHM-SACD de « Synchronicity » de Police.
N° 4 : Les bonus
L’un des attraits des CD japonais, à part leur qualité, étaient les bonus qu’ils contenaient. Dans certains cas, il y en avait un ou deux, parfois trois et, généralement, les meilleures faces B. Un effort était même fait pour les insérer parmi les chansons de l’album de façon à respecter l’harmonie du CD. Dans d’autres cas, la version japonaise contenait un CD de plus avec des inédits, remixes ou parfois c’était un best of 2-CD tout simplement.
Cependant, avec le piratage et la chute des ventes de CD, les bonus ont presque disparu. Tout d’abord, les bonus sur le CD unique, car pour pouvoir mettre ces bonus, la filiale japonaise du label (par exemple, Sony) devait attendre que les maxi-cd avec ces bonus comme face b aient été sortis en Europe pour éviter de leur faire concurrence. Résultat, les CD japonais sortaient environ 6 mois en retard. Avec la chute des ventes, un autre problème est devenu incontournable : les Japonais n’attendaient pas toujours 6 mois et achetaient la version européenne ou américaine. Donc, une perte sèche, devenue importante avec la crise du CD. Ensuite, le 2e CD s’est volatilisé : alors que le best of japonais de Rod Stewart de 2001 contenait 2-CD contre un pour la version américaine, le best of japonais de David Bowie de 2002 n’en contenait plus qu’un contre deux pour la version américaine. Idem pour d’autres best of comme celui de Ian Brown. De plus, il est devenu très rare qu’une version d’un album incluant l’album comme CD1 et une sélection de remixes comme CD2 soient fabriqués au Japon en raison du coût de production. Il n’existe donc pas de pressage japonais des rééditions Deluxe 2-CD des albums de U2, The Cure et d’autres. Si vous achetez la version japonaise, vous aurez le pressage européen des CD (les Japonais le préfèrent au pressage américain) et, « en plus », un livre avec les paroles en anglais et en japonais. Par contre, si le CD2 consiste dans des faces B, inédits, alors il y aura peut-être un pressage japonais qui sera alors double CD.
B. DESAVANTAGES DES CD JAPONAIS
Leur prix et le fait qu'ils soient pressés à des tirages de plus en plus limités. Certains albums sont parfois épuisés après deux à quatre semaines (parfois afin de créer un effet d'achat impulsif comme pour les SHM) et s'ils peuvent être à nouveau fabriqués l'année suivante, il faut parfois attendre plusieurs années avant de les voir réapparaître.
En résumé, acheter un CD japonais, c’est la sécurité (cela fait partie des business basés sur l’anxiété), la facilité et la qualité. Toutefois, ce n’est pas toujours le gage d’un son meilleur.
* Petite digression, classement qualité audio pour les autres pays du meilleur au pire : Royaume-Uni=Allemagne=France > Etats-Unis > Pays-Bas (éviter le label Disky !) > Hong-Kong > Corée du Sud). Le désavantage des CD européens est qu’ils ne sont souvent pas emballés, si bien qu’on n’est jamais sûr d’avoir un CD vraiment neuf. Par contre, les CD américains sont scellés sur le haut par un sceau blanc portant le nom du groupe et le titre de l’album. Attention, l’emballage plastique est toujours, et j’insiste toujours, un emballage professionnel d’usine ; les manufactures américaines n’utilisent jamais le plastique ultra-fin type « emballage nourriture » que l’on rencontre dans les grands magasins de disque (Virgin, Fnac – online : Amazon.fr) qui emballe sous cellophane les CD britanniques fabriqués sans emballage d’origine. Dans quelques rares cas, des CD américains sont déballés, le sceau légèrement soulevés pour pouvoir prendre le CD et le copier. Ils sont ensuite réemballés. J’ai eu le cas avec plusieurs Nat King Cole... peut-être Amazon les ouvre-t-il pour faire ses échantillons musicaux ? Enfin, le sceau coûte au label et certains petits labels américains s’en passe ; aussi, est-il possible d’avoir des CD neufs américains sans sceau mais c’est très rare. Exemple : le premier album des Dandy Warhols sorti sur le label du groupe.