wald a écrit:syber a écrit:Fyper a écrit:Ce n'est pas le sujet de ce fils mais je ne comprends pas pourquoi une experience visuelle se partage plus qu'une experience sonore
Ben tout simplement parce que tu peux regarder à plusieurs la même photo ou le même DVD et la/le commenter ensemble (de manière tout aussi objective que subjective d'ailleurs). Même si bien évidemment chacun va recevoir la reproduction de l'image de façon différente selon sa culture et sa sensibilité, même si les personnes ne sont pas des pros de l'image, ils pourront malgré tout arriver à dialoguer de façon efficace sur un minimum de paramètres communs : trop de bleu, pas assez de rouge, arrières-plans ceci ou cela, de toutes façon j'aime pas les films de Jean-Luc Besson, le N&B c'est chi..., Tarantino à bien baissé ses derniers temps, je préfère le noir des plasma par rapport aux LCD, comment que dis-tu ! c'est pas possible, ben si regarde
LA OU JE POSE MON DOIGT, TU VOIS LA DIFFÉRENCE ? Et bien je préfère ce type de noirs à ce type de noirs parce que l'un me semble plus crédible que l'autre ! Sur la reproduction d'un message sonore, c'est beaucoup plus difficile de partager la construction intellectuelle personnelle qui résulte de l'écoute d'une suite au violoncelle de Bach ou d'un album des Eagles ! Tu entends le contrepoint de la partition fais l'un à l'autre ? J'espère que tu apprécies la rythmique du morceau répond l'autre ! Dialogue de sourd ! J'aime beaucoup la véracité des timbres du violoncelle et son volume physique crédible. Je ne sais pas, je n'ai jamais entendu un violoncelle de ma vie ; par contre tu entends la guitare électrique ? Ah oui, et c'est comment le son d'une guitare électrique en vrai ; il ne serait pas différent selon le type de HP sur lesquelles elle est branchée ? ... etc ...
On ne peut pas "poser son doigt" sur le violoncelle et sur la guitare électrique que l'on s'est construit dans sa tête, pour en montrer les détails à l'autre !
Ca me fait penser à ce mot d'enfant rapporté alors qu'il regardait un dessin animé de Tintin à la télévision :
Le Capitaine Haddock n'a pas la même voix que dans les livres !Enfin voilà c'que j'en dit, quoi ...
Debut HS (quoique)Tiens, il est peu fréquent que je ne sois plutôt pas trop d'accord avec toi mais peut être est une question d'éclairage.
Tu envisages deux choses en même temps : la qualité intrinsèque de l'oeuvre, sa valeur artistique si l'on veut, et les qualités ou les caractéristiques de sa reproduction. je crois que c'est une source de confusion mais, te connaissant, elle m'étonne et j'ai du ne pas bien comprendre.
Il n'y a aucune différence fondamentale, AMHA, entre échanger sur une oeuvre cinématographique, ou théatrale (qui conduit à apprécier conjointement l'oeuvre et son nterprétation) et une pièce musicale (et son interprétation). la subjectivité est de règle. la connaissance intime de la musique (au sens de : lire, composer, jouer etc) n'est nullement nécessaire. Elle ajoute tout au plus une grille dans l'analyse du j'aime/j'aime pas, moins accessible au profane. C'est de mon point de vue une expérience très partageable. mais ce n'est pas notre sujet qui est : la reproduction de l'oeuvre enregistrée.
La qualité de reproduction de l'image peut être partagée, chacun en convient a priori intuitivement...Et pourtant...Quoi de commun entre la photographie des films de plusieurs auteurs, quoi de commun aussi entre ceux d'un même metteur en scène, selon le chef op qu'il aura choisi. John Ford ou Mizoguchi sont restés assez fidèles à une esthétique toute leur carrière, mais pas Spielberg ou Coppola, pas même Kubrick pourtant si caractéristique en apparence. Là encore, où est la vérité ? Kubrick faisait vérifier la qualité de la projection de ses films un peu partout à travers le monde. il ne le faisait pas entièrement lui-même. Il se fiait d'abord aux caractéristiques de la salle et du matériel de projection et il faisait vérifier de visu par toutes sortes de personnes (jamais lui !), qui parfois étaient proche de lui, parfois beaucoup moins voire pas du tout. il se faisait décrire les sensations du quidam (au téléphone) à partir d'une grille de questions. il éliminait les salles où la projection posait une difficulté telle qu'il la percevait sur la base de ce questionnaire ou bien il faisait changer le matériel !
Pourquoi le partage d'une reproduction sonore ne serait pas tout aussi possible (et tout aussi difficile à la fois du fait de la subjectivité de chacun) que celui de l'image, l'un comme l'autre butant sur l'ignorance relative des choix artistiques qui ont conduit à la prise de son ou à celle de l'image (ou au hasard d'une luminosité captée par le metteur en scène et dont on ne saura jamais ce qu'elle était en réalité). Comme Fyper, je ne vois pas d'argument pour différencier les problématiques. Quoiqu'il en soit, la question de la reproduction de l'image suscite curieusement moins de débats enflammés que celle du son
Fin HS (quoique...)
Sans doute dans un large mouvement visant à embrasser à la fois les aspects objectifs et subjectifs d'une expérience auditive ou visuelle - car les deux sont indissociables quand on regarde un film ou que l'on écoute un disque - , ai-je été trop elliptique dans mon explication. Mon métier m'amène à plutôt développer mes capacités orales et auditive. Je ne pratique les échanges épistolaires qu'à titre de loisirs, contrairement à toi qui excelle dans ce domaine
Mais trêve de flatteries
!
Ma phrase initiale était :
L'écoute à ceci de particulier, qu'elle est une expérience non partageable avec ses semblables ; à l'inverse de l'expérience visuelle, par exemple.
Je parle bien de la possibilité plus ou moins aisée de partager avec autrui une expérience visuelle ou sonore. Expérience qui comporte à la fois des aspects subjectifs et objectifs.
Soyons concrets :
a - La fin de "Vacances Romaines" avec Audrey Hepburn et Gregory Peck me provoque un sanglot (film que j'ai du voir il y a une vingtaine d'année mais que j'ai à l'esprit car je viens de faire un post sur Audrey Hepburn sur le forum cinéma).
b - "Strange Fruits" interprété par Nina Simone, m'émeut particulièrement.
c - La Chaconne n°5 de Bach par Nathan Milstein me tire une larme des yeux.
Comment partager cette expérience avec quelqu'un d'autre ?
a - c'est relativement facile d'en parler, à la fois objectivement et subjectivement. Le film raconte une histoire - celle d'une altesse royale et d'un journaliste qui vivent une folle virée romantique dans les rues de Rome, déjouant et défiant tout protocole et notion de rang social ; mais à la fin les convenances reprennent le dessus et les séparent ; c'est poignant - , possède un scénario et des dialogues écrits en langage articulé. Les décors, des palais impériaux aux piazza romaines, les ambiances peuvent être décrits précisément. Les interprètes jouent des actions que l'on peut décrire également avec détail, expriment des émotions que l'on peut aisément nommer. Sans être un spécialiste, je peux également critiquer avec des mots simple la qualité de l'image que je regarde. Afin de mieux me faire comprendre, je peux éventuellement faire une capture d'écran ou un arrêt sur image pour le montrer à mes interlocuteurs, soit pour expliquer pourquoi une scène ou pourquoi la beauté ou l'expressivité de Audrey Hepburn me touchent, soit pour expliquer tel défaut ou telle qualité du DVD ou du BR que je viens de regarder. Je possède ainsi à ma disposition d'un certain nombre d'outils et un langage commun avec mes interlocuteurs pour leur faire comprendre pourquoi j'ai eu les yeux humides à la fin du film et pourquoi telle édition en DVD ou en BR possèderait une image de plus ou moins bonne qualité.
b - c'est un peu plus compliqué. Je comprend assez mal l'anglais chanté. Tout au plus comprend-je le premier couplet et de quoi il en retourne ! La métaphore du "Strange Fruit" fonctionne bien et m'émeut. Mais ne serait-ce pas aussi le talent d'interprète de Nina Simone et ce que je sais de sa vie qui m'émouvrai ? Mais comment partager avec autrui sur le talent d'interpète de Nina Simone ? Une photo ? Cela n'a pas de sens ! A part bien sûr si on prêche un convaincu, mais dans ce cas, les mots sont inutiles et le partage se limite à de la connivence. Que dire du son ? Sa qualité date un peu, les timbres sont bien peu véridique, la scène sonore est mal reproduite ; mais comment mon interlocuteur va recevoir ce genre d'affirmations ? ... En vérité même si la tâche n'est pas impossible, je manque d'outils et de support commun pour échanger sur la façon dont j'ai vécu objectivement et subjectivement cette expérience d'écoute.
c - la tâche se complique encore plus. Je ne sais pratiquement rien de la vie de Bach et de Milstein. Je ne sais pas lire la musique. Je ne sais pas reconnaître la structure d'une Chaconne. Tout au plus puis-je nommer quelque-unes des émotions qui sont nées en moi lors du développement de ce morceau. Que faire partager sur la prise de son d'un violon solo ? Ma foi, la prise de son date un peu en matière de timbre - mais combien de personnes connaissent les timbres d'un violon ? - mais la spatialisation du violon est excellente
car on visualise bien les déplacements de l'instrument au gré des mouvements de l'interprète face au micro d'enregistrement et on se représente bien le rayonnement du violon dans différentes directions en fonction des harmoniques jouée. Combien de personnes peuvent comprendre la phrase que j'ai mis en italique
?
Le constat est là, cette interprétation me touche au point de m'humecter les yeux mais il m'est très difficile de faire partager l'émotion qu'elle suscite en moi ni l'appréciation technique que je porte sur elle. Quand j'écoute Bach par Milstein, je me construit mentalement une représentation d'un monde qui m'est personnel et qui est très difficile, voire impossible à décrire pour le faire partager. Avec une image, un scénario, des dialogues, on à une base à partager qui est plus tangible.
"Un petit dessin vaut mieux qu'un long discour" disait l'autre. Cette force, cette évidence de l'image et cette relative incommunicabilité au sujet de l'évènement sonore est sans aucun doute pour moi
une des raisons qui font que :
Quoiqu'il en soit, la question de la reproduction de l'image suscite curieusement moins de débats enflammés que celle du son