James P. Sullivan a écrit:GOT est aussi une leçon de politique, et ce n’est pas la moindre de ses réussites que d’avoir montré comment un despote peut séduire pendant sa conquête du pouvoir et au mieux au début de son règne avant que les choses se gâtent...
Je pense qu'on a perdu cela de vue parce que la saga est aussi et avant tout des surprises narratives, avec ses protagonistes qui crèvent brutalement, comme on te retirerait le tapis sous les pieds. La famille Stark est évidemment le pilier le plus représentatif de cela. Du coup, on a oublié des bases pourtant déployées depuis le début : énormément d'éléments tiennent du flingue de Tchekov (si ça ne sert pas de suite, ça reviendra plus tard), la majeure partie des erreurs se paient cash, et tout le monde ou presque ne pense qu'à sa gueule.
De fait, ce n'est pas juste des surprises narratives, mais aussi des rappels de pures luttes politiques : on nous a bassiné pendant des années que Daenerys était l'héritière Targaryen du trône, qu'elle avait été spoliée par son méchant frangin et qu'elle se vengerait quitte à mettre tout le pays à Fire et à Blood.
Dont acte.
Qu'autant de gens aient pu s'identifier à elle en mettant tout cela de côté me fait donc à la fois un peu sourire mais aussi doucement halluciner. Le fait est qu'au final, moi qui ai très régulièrement trouvé le show pas très fin, y compris et notamment dans l'écriture de ses persos féminins (bon, y a quand même les cas Brienne et Sansa), là dessus (en supposant que c'est volontaire), c'est très habile.
C'est de la diversion pure : on a toujours donné des raisons de dédouaner les atrocités commises par Dany.
Et maintenant qu'elle se comporte comme littéralement un enfant-(presque ?) roi, on se rend compte qu'en fait, bah ce n'était pas glorieux.
Mais c'est le cas de beaucoup de persos : Jon est un idiot fini qui a techniquement propulsé les actions menant à l'arrivée des marcheurs, Tormund et Sandor sont des brutes sans pitié, Jaime un violeur, etc. La plupart des persos "cool" sont des salauds de première et Dany n'est pas la seule à voir ses actes minimisés si ça arrange les fans.
Keron a écrit:Une belle femme. Une femme qui a 3 dragons comme animaux de compagnie. C'est aussi séduisant. Et tu joues aussi sur le côté femme à protéger. Même Tyrion a craqué à un moment pour la belle blonde.
Comment résister ?
Et ça marche très bien sur l'ensemble des hommes qui l'entoure, et dont on peut légitimement se demander si leurs soutiens et estimations qu'elle ferait une bonne dirigeante ne sont pas principalement mus par leur envie de la sauter. Mais bref.
C'est sûr que quand c'est Cranston qui joue Walter White, on a moins envie de laisser passer certains trucs.
James P. Sullivan a écrit:Après le visionnage de cet épisode, j’ai pensé à la fascination qu’exerce toujours une icône nationale à bicorne, qui a pourtant fini par mettre l’Europe entière à feu et à sang, et à tous les tyrans messianiques qui ont cruellement déçu ceux qui avaient foi en eux.
Il n'y a pas que ça, même si on peut évidemment (re)lire le Goncourt 2017 (L'ordre du jour), mais on peut rappeler que certains leaders politiques considérés comme charismatiques (y compris a posteriori) se sont distingués par des choix militaires très proches de ceux de Churchill dans les 40s.
C'est tout simplement une variation sur l'habituel enfer pavé de bonnes intentions, ce qui n'a rien de bien nouveau, et je reste du coup surpris qu'autant de gens semblent avoir malgré ça pris fait et cause pour elle, alors qu'on nous la très vite montrée comme capable du pire de façon fort gratuite et superflue.
J'irai même un cran plus loin : certaines critiques expliquent que le souci, c'est que Daenerys a souvent été dépeinte comme une rescapée forte prenant son destin en main, et que ce revirement est problématique lorsque des rescapés de traumas se sont identifiés à elle. Or, pour une fois, le show va un peu à l'encontre des clichés linéaires habituels du genre (de la façon que la méchante reine n'est finalement pas punie dans une mise à mort ultra libératoire, mais dans un moment d'émotion partagé avec son frère/amour), tout en se complaisant dans ses vicissitudes habituels : Si vis pacem, para bellum, le tout avec de la tripaille, des explosions, et des hurlements de partout.
Faudrait quand même pas priver les fans de leur quota de bouillie humaine.