Pour embrayer sur une discussion tenue sur le conti séries, voici probablement ce qui s'est passé pour le recadrage.
D'abord une généralité. Un film de cinéma est presque systématiquement tourné et projeté avec quatre perforations de pellicule par image. Quand c'est en anamorphique (Panavision, Scope), presque toute la surface correspondante est exposée, et on transforme ensuite ça en image panoramique, élargie à la projection.
Pour les autres formats (en sphérique), on va parfois ne cadrer dans la caméra qu'une partie de l'image qui figurera sur la pellicule. Sur les vieux films (en 1.37:1), le problème ne se pose pas. Sur les films tournés à partir des années 50, qui seront pourtant projetés en 1.66:1, 1.85:1 voire 2.39:1 (Super 35), une partie voire la majorité de la surface de la pellicule ne sera donc pas projetée par rapport au cadre retenu par la caméra. On se débrouille avec ça avec des caches, soit dans la caméra, soit à la projection.
Les vieilles séries étaient tournées en 35 mm "4 perf" en 1.33:1, comme un film de cinéma traditionnel. Faut dire qu'ensuite on en tirait des copies 16 mm qui allaient être diffusées à travers le pays pour être ensuite diffusées en télécinéma par les networks au niveau régional.
Dans les années 70 et 80 (je n'ai pas idée de la date exacte), on est passé à des masters vidéo. Du coup, ça n'était plus forcément intéressant de travailler en 35 mm 4 perf, et on a décidé de retirer une perforation sur les quatre pour chaque image, et à ne retenir ensuite que la partie centrale de l'image. On utilisait pour cela des caméras modifiées (où on avait simplement modifié un réglage physique). Donc la définition est inférieure (surface d'image plus petite au final), mais l'Emmanuel Macron qui sommeille en vous pourrait comprendre que l'on économise comme ça 25 % sur la pellicule pour un résultat quasi identique lors de la diffusion télé. Et la pellicule, ça coûtait quand même cher sur le budget d'une production télé.
Le format d'image théorique en 3-perf, c'est du 1.78:1, presque du 16/9ème. Ça n'était pas du tout prémédité, c'est une coïncidence. Reste que dans les années 80 et 90, il se posait pour ces productions télé le problème inverse de celui des films de cinéma dans les années 50 en format large. Les films de cinéma n'exploitaient pas forcément tout l'espace de la pellicule en haut et en bas. À l'inverse, les séries, destinées à être diffusées sur des télés 4/3 (avec en plus de l'overscan) n'exploitaient pas l'espace à gauche et à droite. Mais on ne mettait pas pour autant de cache sur la caméra, et on a donc des négatifs en 1.78:1.
Sauf que la totalité de l'image sur ces négatifs est souvent inexploitable : à moins que ça soit explicitement demandé, personne n'allait se soucier qu'on voie une perche, un câble ou un figurant en train de bouffer un sandwich sur le bord de l'image, en dehors du cadre fourni par le viseur de la caméra. Il y a toujours des plans qui posent problème sur un épisode ou une simple scène. Donc on préfère généralement garder par commodité l'image 1.33:1 du centre, comme à l'époque. Pour faire un master 16/9ème, on prend, sur les plans où c'est possible, la totalité de l'image en 1.78:1, et on recadre certains autres, ce qui est d'autant plus facile que ces séries n'avaient pas un cadrage au cordeau (rappelez-vous il y avait un fort overscan). Voilà pourquoi on peut récupérer parfois du quasi "1.66:1" en reprenant un peu plus que du 4/3 grâce à ce qu'il y avait en plus sur les côtés, en coupant ensuite en haut et en bas. Ça doit être quasiment fait au plan par plan de façon manuelle pour que ça soit exploitable : parfois on avait un truc à problème à gauche mais pas à droite, parfois, il faut privilégier la partie haute de l'image, etc.
Quand la chaîne ou la boîte de prod a demandé que l'on bascule sur du 16/9ème pour faciliter les diffusions futures, ça ne s'est pas non plus fait du jour au lendemain. En fait, la diffusion restait presque tout le temps en 4/3 à la télé lors de la première diffusion (celle qui compte) et on a simplement pris la précaution de ne pas laisser les perches, les câbles, les lampes ou les échafaudages sur cette zone à droite et à gauche de l'image. Donc il y a beaucoup d'espace vide et peu d'information sur les saisons 4, 5 et 6 de X-Files. Progressivement, on a inversé les priorités, et dans les années 2000, maintenant que les téléviseurs dans les maisons étaient presque tous en 16/9, on a laissé tomber les repères dans la caméra pour sécuriser l'image en 4/3.