larsen a écrit:En effet Gilles, j'ignorais à quel point la musique de Berio pouvait être si structurée !
Par contre j'imaginais une approche théorique plus poussée chez son confrère Nono, "Como umaola de fuerza y luz/Sofferte onde serene/Contrappunto dialettico alla mente" Deutsche Gram. avec au piano un fantastique Pollini, pourrait constituer également une bonne entrée en matière.
En me replongeant dans ce genre musical, ce qui m'a parfois froissé c'est d'avoir l'impression de recevoir un flux de notes guidé par le hasard et peu mélodieux (sans aucun doute, cette imprévisibilité suit-elle une méthode bien établie).
L'apparition du hasard en musique me fait penser à l'apparition de l'abstraction en peinture, mais alors que Klee et consort ont rencontré l'adhésion de "l'élite" et du grand public, les compositeurs de "musique contemporaine" sont restés sur le carreau.
Il me semble que "le problème" de l'introduction du hasard dans la musique c'est le manque de liant, comme si on travaillait un chant de manière à lui retirer toute forme mélodique et de beauté "visible".
Je comprends que l'on puisse être séduit par l'architecture d'une oeuvre, mais quand on a pas les bases théoriques c'est difficile
Tu abordes plusieurs choses en même temps. L'aspect non mélodieux de la musique dont tu parles et une problématique liée à une époque, celle de la musique sérielle et de la musique utilisant le hasard.
Si la première a occupé une place importante au 20éme siécle, le hasard pris beaucoup moins d'importance et concerne une période beaucoup plus courte.
La musique sérielle n'est pas toute la musique dite "contemporaine", même si elle est restée symboliquement l'emblème à retardement de la création actuelle (et qui lui reste souvent attachée comme une caricature). Il y a aujourd'hui une minorité de compositeur utilisant la série pour composer et ceux utilisant le hasard comme "technique" sont rarissimes.
La création musicale contemporaine a pris des facettes beaucoup plus variées.
L'apparition du hasard n'est pas à mon avis à faire correspondre avec l'abstraction en peinture. Je ferais correpondre l'abstraction en peinture aux œuvres de Stravinsky comme le "Sacre du Printemps", aux œuvres d'Edgar Varèse, de Schönberg, Webern, Bartok… qui trouvent d'autres façons d'articuler le langage musical que les principes de la tonalité.
As-tu abordé ce répertoire ?
larsen a écrit:Je me rends compte que mes connaissances s'arrêtent à la génération de Stockausen (dont j'apprécie particulièrement les "Klavierstük"), c'est à dire à celle de mes grands parents, si bien que cette musique d'un point de vue chronologique n'est pas pour moi très contemporaine.
Le terme contemporain est trompeur, est-ce que cela signifie qu'à un moment donné il y a une seule façon d'écrire de la musique "de son temps" ?
Je vais donc m'atteler à découvrir les successeurs de Stockhausen, je m'attends à découvrir une grande diversité.
Les successeurs de Karlheinz Stockhausen sont à la fois très nombreux et très rares…
Presque toute la génération des compositeurs née aprés-guerre (1940-45) jusqu'au année 60 ont reçu l'influence de Stockhausen.
K.S. était dans le milieu des années 60 un compositeur d'une importance considérable. Toute nouvelle œuvre était attendue et faisait l'événement musical de l'année. Karlheinz Stockhausen a composé des œuvres d'une originalité et d'une puissance de concept à l'époque inouïe (Kontakte, Gruppen, Momente, Hymnen…).
Donc presque tous sont des descendants de Stockhausen.
Les compositeurs qui ont travaillé dans le sillage proche de Stockhausen, à Cologne, ou revendiquant ouvertement leur filiation sont plus rares : Peter Eötvos a assisté K. S. à Cologne. Helmut Lachenmann revendique sa filiation avec K.S. …
larsen a écrit:Dans ma petite virée de musique contemporaine de ces derniers jours dans ma discothèque, j'ai trouvé une musique qui par son approche m'a semblé contemporaine, "Symphonie pour un homme seul" (1950) de Schaeffer et Henry, c'est du copié/collé de sons et de bruits divers retravaillés rythmiquement pour former, je trouve, un ensemble cohérent, mais est-ce pour autant de la musique ?
C'est de la musique !
C'est une œuvre d'anthologie. Une des premiéres œuvres concrètes. La technique de l'époque ne permettait pas le "copié/collé":wink:
larsen a écrit:La démarche rappelle celle de certains "DJ-compositeurs", j'ai même l'impression que les travaux de Schaeffer et Henry arrangés sur ordinateur pourrait faire un hit !
La musique concrète doit se retourner plus d'une fois dans son cercueil
C'est maintenant une vieille dame qui s'amuse beaucoup de l'évolution de la perception des choses de la musique.
Effectivement de nombreux jeunes du milieu "electro" et" techno" intéressés par la technique s'intéressent peu à peu aux musiques électroacoustiques et à celle de Pierre Henry en particulier.
Pour revenir à tes découvertes d'œuvres plus récentes, je te conseille les œuvres électroacoustiques et mixtes de la CDthèque (toutes ces œuvres sont abordables) et pour les compositeurs classiques du 20éme siècle cherches dans liste de Ligeti , Berio, Lutoslawski, Penderecki, Dutilleux, Stockhausen (Trans).
Pour la musique instrumentale pure, les compositeurs plus jeunes : Grisey, Singier, Murail, Matalon, Levinas…
Je m'aperçois que les dates de naissance (et de mort) des compositeurs manquent pour savoir à quelle génération ils se rattachent.
Bonnes écoutes…
Et nous en reparlons…
Gilles