Oui Alain - j'ai bien compris ce que tu me dis de Gould.
j'ai lié trois point au début du passage pour expliquer ce que je voulais dire: tu les dissocies pour répondre à chacun d'entre eux — mais mon but était d'expliquer un terme commun aux trois… (et au fait, je n'attendais pas de réponse à ces trois points en fait — j'exprimais seulement une seule idée résultant de la liaison analogique des trois)
Ce que tu me parais refuser en écrivant:
haskil a écrit:Déjà répondu. Tu passes de l'interpète au compositeur! C'est bien différent. C'est une autre histoire.
Je ne "passe" pas de l'un à l'autre: je mets en avant un terme commun. Je me doute bien que c'est différent: ça n'est pas l'interprète qui crée l'oeuvre qu'il interprète sauf quand il est créateur et interprète…
C'est là une tautologie (ou identité logique).
Je dis seulement qu'il y a un terme commun entre les deux: la création — l'interpréte est
aussi un créateur!
Tu me dis que Gould — que tu admires (je n'en doute pas et n'en ai pas douté!) a selon toi occulté (étouffé?) d'autres interprètes:
Car Gould a occulté (ce qui d'une certaine façon est la preuve de son unicité et de la force de son message), quasi toutes les autres façons de jouer Bach au clavier... pour de nombreuses personnes.
Je concède bien sûr qu'il a été suivi par des disciples copieurs:
Il a créé d'un côté des émules qui l'ont copié : ils sont risibles. Car ils n'ont gardé de son jeu que les tics.
copieurs et donc ridicules (cf. ce que dit Nietzsche quelque part: «Vous voulez des disciples? vous voulez vous multiplier? commencez par trouver des zéros…»
).
Mais il n'en est pas responsable: tous les grands sont copiés (ainsi après Vinci, tout le monde a "fait" du clair-obscur — ce qui est grand est parfois à la mode, du coup se vend et les copies le font dégénérer…).
Et je vois bien aussi que tu dis comme moi:
De l'autre, il a créé un public qui, sans lui, ne serait pas intéressé à Bach, public qui pense que Bach = Gould.
Mais pour moi: qui s'y sont intéressés parce que la grandeur de Gould rendait sensible à leur oreille la grandeur de Bach.
Ce qui est totalement différent du cas où, par exemple, on dirait aimer Vivaldi parce qu'on en aurait écouté un arrangement par le Rondo Venezianno… (:lol: ça, j'ai jamais pu!
)
Gould m'a paru — je puis évidemment me tromper! — à la fois susceptible d'être populaire et mettant au service de l'oeuvreun génie propre. Un peu comme Karajan, d'une certaine manière.
Autrement dit, j'avance deux idées ou opinions distinctes donc:
1/ l'un générale de l'autre de la philosophie esthétique: que l'interprète est aussi un créateur dans l'interprétation elle-même et 2/ l'autre de l'ordre de mes goûts propres: que Gould a eu un certain génie propre — et en même temps un panache qui l'a rendu populaire (relativement, s'entend — Johnny Halliday l'était et l'est encore plus…)
Alors d'accord:
Or, Gould, malgré tout son talent, n'est qu'un interprète de bach parmi d'autres tout aussi talentueux que lui.
Mais pour ma part je dis aussi qu'il a eu du génie, parmi d'autres interprètes qui ont eu un génie égal quoique qualitativement différent. Et quand je dis «aussi du génie», je ne veux pas dire plus ou moins comme tu sembles peut-être croire que je voudrais le dire ou le penserais:
Il n'est pas plus convaincant, plus juste que le claveciniste Leonhardt, que les pianistes Fischer, Rummel, Harold Samuel, Gulda, Schnabel, Richter, Feinberg, Tureck, etc.
Je te concède volontiers cela, vu que je le pense aussi, au moins pour Leonhardt, Gulda et Schnabel, que je connais (à défaut des autres). Mon opinion est simplement que je les range au
même niveau lorsqu'il s'agit de Bach et du piano - voilà tout. Ça n'était en rien un jugement musicologique — tout juste un jugement de goût au point de vue subjectif sur l'interprète (il n'y a qu'en philosophie et ne littérature que je suis apte à formuler des jugements de valeurs construits et élaborés).
Cela dit, uniquement pour préciser mon opinion dans son expression — et non pour polémiquer en quoi que ce soit.
Pour le reste — je suis d'accord
haskil a écrit:Avant Gould, avant toi, avant nous, il y avait Wanda Landowska qui a fait connaître au public de son temps, les Goldberg, et aux musiciens...
[……/……]
10 ans plus tard, Gould enregistrait ses Golberg pour la Columbia, mais les jouait déjà depuis quelques années. Sa bachomanie n'est pas tombée du ciel. Bach était au répertoire de tous les pianistes et était à la base de l'enseignement des pianistes jusque dans les années 1970.
Je me doute bien que les choses ne tombent pas du ciel (ou rarement!
) — et l'histoire de la musique a un côté talmudique ou tradition orale, de génération en génération qui se rapproche considérablement de bien des aspects d'autres choses (comme l'histoire de la philosophie qui est une affaire d'école et d'enseignement, de relations entre des générations de penseurs, plus que de livres).
Sur les excès dont tu parles, ensuite, à propos de la prééminence de l'interprétation sur la musique (d'une interprétation particulière à cause d'un effet de mode lié à l'apparition d'une diffusion de masse, selon mon opinion):
Cependant, la prééminence de l'interprétation sur la musique elle-même, plus le disque, plus la mondialisation des carrières fait qu'il est devenu difficile pour un jeune interprète de jouer en concert (tout court) ou quand il a la chance de jouer, même au fin fond d'une province, de ne pas être comparé à d'autres. Et s'il joue Bach, il y aura toujours quelqu'un pour dire que son Bach ne vaut pas celui de Gould qui est le vrai bach...
Je suis d'accord avec cela — sans d'ailleurs trouver cela si dramatique. J'ai plutôt l'oeil attiré vers le progrès considérable qui s'est opéré par la diffusion de masse:
il y a plus d'écoles de musiques et de concerts, en particulier de concerts d'amateurs, aujourd'hui que quand j'étais gosse (y compris dans la petite ville minière du nord de la France dont je viens). Moins d'oportunité de carrière peut-être — mais plus de musiciens, si ça se trouve…
Le phénomène ne s'est pas produit avec le bach de Casals. Tu vas répondre qu'on n'a jamais autant enregistré les Goldberg que depuis 1981 : c'est vrai. Mais tous sont comparés à Gould. pas aux Goldberg elles mêmes.
Euh… non… j'aurais pas répondu ça…
J'aurais pas répondu du tout (car je suis lâche comme mec!
)…
Ou alors j'aurais dit que j'aimais les deux parce que c'était lié à des souvenirs de découvertes, sans songer à en discuter les vertus et qualités intrinsèques!
Cdlt