Je vais donc réagir sur ce topic plutôt que sur l'autre.
SnipizZ a écrit:Sauf que si je peux me permettre, pour clôturer une énième fois ce débat profondément inutile et insoluble : sur le territoire français, les films ne doivent pas être naturellement reformatés français, c'est carrément une obligation légale. Et cette petite différence, insignifiante pour certain, à quand même une importance capitale. Les pays scandinaves font bien ce qu'ils veulent et honnêtement, ça ne m’intéresse pas. Je pense qu'il y existe un bon compromis entre VO et VF à outrance (l'exemple du Quebec est caricatural en la matière) et je crois qu'en France, cet équilibre existe (sans même aborder des thèmes comme la sauvegarde du français ou autre).
A titre personnel, j'apprécie autant la VO (à la maison) que la VF (au cinéma), ce qui ne m’empêche pas d'être tout à fait d'accord avec tenia54 et JCL83. Je m’arrête ici pour ce qui est du HS.
Il est bien évident que lorsque j'évoque le terme de "reformatage" français, je parle bien entendu du principe de transformer un produit artistique tourné dans une langue d'origine (avec ce que cela suppose d'intégrité artistique) en un autre produit , naturellement différent dans son essence (le réalisateur et le directeur de casting ont la connaissance des potentialités sonores - et artistiques ipso facto - de l'acteur) comme dans son résultat (ce qui se traduit émotionnellement sur le plateau), car doublé dans une autre langue. On accède à un ersatz bien plus dégradant que l'éventuel sous-titre dans la mesure où il transforme l'émotion et la patine sonore du film, la performance en terme d'acting, l'unicité de la prise lors du tournage, travail pensé a priori et a posteriori du metteur en scène et par l'ensemble des responsables du medium cinéma.
Je ne reviendrai que peu sur l'indifférence constatée pour les pays scandinaves, ce qui démontre d'une certaine façon, le raisonnement utilisé jusqu’ici, et la mécanique de crispation et de protection linguistique française. L'institutionnalisation de la VF (du régime de Vichy - sic - à la loi Toubon, et en passant par bien d'autres) a construit une norme (dont le public s'est complètement accommodé - ce qui en soi est une anomalie presque cocasse dans ce pays au peuple sanguin et contestataire de l'autorité) autour d'un argument incongru : puisque nous parlons français dans la rue comme sur les bancs de l'Assemblée, la langue de diffusion des films - qui pourtant ne sont pas francophones - doit être francisé. On ferait presque déguiser une forme de contrainte culturelle qui transpire quelque peu le nationalisme français des années 1930 pour une logique (fausse) de compréhension du sous-texte du film.
En réalité, l'imposition d'un montage sonore français sur des films étrangers (anglophones majoritairement) est la conséquence bien plus pernicieuse de la vieille rivalité historico-linguistique ( si ce n'est pratiquement civilisationnelle dans son acception historique conflictuelle) entre les monarchies, Etats-nations et empires qui se sont construits mutuellement dans leur propre rivalité : Angleterre (puis Grande-Bretagne) et France. Le français comme langue de toutes les Cours européennes du XVIIIe siècle, de la diplomatie et de la noblesse lettrée s'est vu affaibli par le romantisme allemand d'une part, et la langue des colonies dominantes - anglaises - d'autre part. Il y a une forme de relent assez fort et qui s'est transféré dans des rouages assez variés de la société, dont le cinéma.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que le cinéma soit davantage impacté par le doublage que le théâtre par ex. Le public susceptible d'être touché étant bien plus important dans les salles obscures que devant les planches de Paris ou des autres capitales régionales, le principe de persuasion linguistique (et de dégradation artistique) est moins prégnant au théâtre (je rappelle que les pièces mises en scène par des dramaturges étrangers, dans leur pays d'origine, avec des comédiens autochtones, sont sur-titrées, tout comme l'opéra, par ailleurs. La question ne se pose donc pas dans ces deux formes artistiques). Le cinéma serait donc le parent pauvre de l'art, alors qu'il (ou parce qu'il) est justement celui qui touche le public le plus massif ? Il ne s'agit pas d'imposer la VF sur un disque/projection d'un film dans le but de protéger une langue, mais de respecter au plus près possible l'oeuvre d'origine, en faisant le moins de compromis possibles (quel que soit le pays d'origine du film par ailleurs). La France a un statut culturel très favorable, en même temps d'exposer cette contradiction qui souligne en pointillés le caractère très identitaire de l'âme française, une forme d'orgueil attaché à un patrimoine linguistique qui mettrait à mal l'ensemble de la France si elle ouvrait ses portes mentales aux territoires de l'altérité. Le pays des "Lumières" veut bien éclairer le monde, dès lors que la réflectivité des faisceaux extérieurs ne revient pas vers elle, lui faire de l'ombre. Une contradiction bien française.