Je viens de parcourir un peu en diagonale les 23 pages de ce fil de discussions. L'avenir à long terme de la HiFi, c'est probablement de se passer de la partie mécanique du son (la vibration de l'air) et de connecter directement le matériel électronique aux neurones de notre cerveau. Plus de problèmes d'enceintes, d’acoustique de pièce...
Plus sérieusement, le sujet est ambigu parce que, la HiFi, c'est à la fois une qualité de reproduction sonore et un marché. On le voit bien dans cette discussion où les intervenants ne sont pas toujours sur la même longueur d'ondes à cause de cette ambiguïté.
Sur le plan de la qualité de reproduction, je ne crois pas que la sensibilité du public a vraiment changé depuis 50 ans. Il y a toujours eu une minorité de gens sensibles à la qualité et à la spatialisation du son. Et parmi ceux-ci, les difficultés de mise en œuvre ont toujours été un frein aux avancées techniques, en particulier pour le multi-canal. Ce qui a peut-être changé, c'est la part grandissante de la vidéo et du multitâche (on n'écoute plus de la musique sans faire autre chose). Mais, c'est un peu un retour aux origines. Au concert de musique classique, on était aussi distrait par les comportements des musiciens sur scène, par les toilettes des dames... A l'opéra, on discutait et on mangeait. C'est à la fin du XIXè et au XXè siècle qu'on a sanctuarisé l'écoute de la musique classique. Quant aux autres genres musicaux, ils n'ont jamais vraiment été sanctuarisés.
Ce qui a vraiment changé, c’est l’effondrement des prix du matériel et l’amélioration de sa qualité de reproduction. C’est peut-être moins vrai pour les enceintes. Malgré les progrès de la CAO et des DSP, les petites enceintes ont du mal à me convaincre en termes de réalisme sonore. Néanmoins, pour une écoute rapprochée à volume modéré, elles offrent un niveau de détail dans le médium et l’aigu inconnu il y a une vingtaine d’années. Globalement, l’évolution des prix a fait passer une grande partie du matériel du segment HiFi ou du segment professionnel vers le segment audio grand public. Par exemple, le FDA chinois à moins de 200€ est un matériel HiFi sur le plan technique (qualité de reproduction) mais pas sur le plan marketing ; l’enceinte active n’est plus un matériel réservé aux professionnels ; la haute résolution numérique est devenue aussi peu coûteuse à produire et distribuer que la qualité CD grâce à la dématérialisation.
Bref, la reproduction en haute fidélité n’a jamais été aussi accessible qu’aujourd’hui et son avenir est radieux. Mais le marché du « matériel HiFi » ne cesse de se contracter depuis la fin des années 90 pour les raisons évoquées ci-dessus. En fait, il a perdu non seulement un public peu sensible à la qualité sonore qui achetait par conformisme social, mais aussi un public de mélomanes rationnels qui ne voient plus l’intérêt de payer cher pour une qualité sonore qu’ils peuvent trouver à moindre prix dans le home cinéma ou l’audio grand public. Le marché de la HiFi est devenu un marché de niche avec des passionnés irrationnels qui changent sans cesse de matériels ou achètent des matériels ésotériques ou « vintage » et des mélomanes fortunés (qu’on ne voit jamais sur les forums) qui achètent des solutions globales clés en main (matériel haut de gamme, installation, traitement acoustique des pièces). A mon avis, ce marché va continuer à se marginaliser mais ne disparaîtra pas. Les acteurs qui survivront seront suffisamment petits, flexibles et profitables pour durer et surfer sur les lubies des « audiophiles ».