indien29 a écrit:
La question est pius simple, le challenge de Cabasse était de démontrer que des enceintes Hifi de leurs conception rivalisaient avec un instrument ou ensemble d'instruments.
- Est possible avec seulement 2 enceintes, et ce, en tout point dans la pièce pour tout les auditeurs ?
La réponse est non
Encore une fois, on ne peut pas répondre à la place des témoins qui ont assisté à ces démonstrations et, encore une fois, Cabasse a communiqué de manière transparente sur ce sujet de la
position de l'auditeur par rapport à la base stéréophonique : "
Quelles sont les causes pouvant amener une différence audible ?" [...]
Les limites de la stéréophonie : ne vous placez jamais sur les côtés de la pièce, vous jugeriez les limites de la stéréophonie et non la qualité des enceintes".
Indien29, il me semble que tu fais des erreurs conceptuelles et des confusions sur cette filière.
Ton objection (partagée par Cabasse, comme on vient de le voir, au sujet des limites de la reproduction sur deux canaux) est manifestement pour toi un obstacle absolu, alors que pour Cabasse, ce n'était qu'une contingence imposée par les possibilités techniques et commerciales. Quand la stéréophonie est apparue, elle était sur deux canaux, parce qu'il n'était techniquement et économiquement (notamment sur le plan commercial) pas possible de faire autrement dans les conditions de l'époque.
Mais la reproduction en deux canaux n'est absolument pas la définition conceptuelle de la stéréophonie tel que l'entendait Cabasse (et beaucoup d'autres, en particulier les inventeurs de la stéréophonie, qui sont antérieurs à Cabasse), même s'il existe conceptuellement des techniques de reproduction qui se limitent par principe à deux canaux (la reproduction binaurale dans son acception stricte ; il faut faire attention au fait que le terme binaural est polysémique : il a pu, notamment au tout début, revêtir plusieurs sens, lorsqu'on en était encore à réfléchir comment nommer des techniques nouvelles sans être encore fixé sur le sens exact à donner à tel ou tel terme ou expression).
D'ailleurs, Cabasse a expérimenté l'
enregistrement et la reproduction stéréophonique en 8 canaux dès 1959 et, dans les années 90, Cabasse s'est efforcé de promouvoir la
pentaphonie sur cinq canaux. Pourquoi cinq canaux ? Tout simplement parce que la technique et les propositions commerciales des fabricants de matériels audios et vidéos de l'époque le permettaient, grâce au développement des appareils conçus pour le cinéma à la maison, le
homecinema, qui rendait possible la pénétration des systèmes multicanaux chez les particuliers. Le choix de cinq canaux est lié aux contingences techniques et commerciales de l'époque, pas à une nécessité technique qui ferait que la reproduction stéréophonique ne se concevrait que sur cinq canaux. Par plus qu'elle ne se concevrait que sur deux canaux.
Pour reprendre l'expression de Feu Maurice Favre, ancien président d'honneur de l'AFDERS, la méthode appliquée par Cabasse lors de ses démonstrations publique en deux canaux n'est qu'un "
cas limite" d'une méthode plus générale de prise de son et de reproduction qui n'est par principe pas limitée à deux canaux. Simplement, dans les années 50, 60, 70 et 80, avant l'apparition du
homecinema dans sa forme la plus populaire (mais c'était encore une objet de luxe, d'abord réservé aux possesseurs des rares et coûteux systèmes à base de laserdisc), il n'y avait quasiment pas d'offre commerciale autre que des systèmes stéréophoniques en deux canaux (la quadriphonie, tentative des années 70, a été un échec commercial).
D'ailleurs, il me semble que tu fais aussi une erreur conceptuelle sur la compréhension de la pentaphonie lorsque tu réponds (en première page) à wuwei :
indien29 a écrit:wuwei a écrit:La pentaphonie est une amélioration sérieuse des deux canaux.
C'est certain, mais sous conditions d'un bon équilibre entre l'avant et l'arrière, en concert si l'instrument est devant, ce n'est pas trop normal d'entendre des sons venir des cotés ou de l'arrière, en Hifi, sans image, le cerveau n'a pas de repère avec l'image, le son peu probablement être plus enveloppant pour plus de plaisir !
Puisque tu parles de l'
équilibre entre l'avant et l'arrière, il s'en déduit que tu assimiles la pentaphonie avec la disposition standard du
homecinema en 5.1, qui admet le positionnement des enceintes
surround un peu à l'arrière des auditeurs. Or, ainsi que Georges Cabasse l'a expliqué dès
1978 en évoquant ses expérimentations en quadriphonie et comme cela a été expliqué dans le cadre de la
pentaphonie, rien n'est placé à l'arrière. G. Cabasse, déjà, expliquait qu'il avait fini par ramener les quatre canaux de la quadriphonie vers l'avant.
La troisième erreur conceptuelle que tu fais dans cette filière est contenue dans cette affirmation :
indien29 a écrit:Nos CD stéréos ne sont pas des prises de son live dont on tente de reproduire le son dans une pièce identique à celle dans laquelle l'instrument a été enregistré, mais seulement la reproduction du travail d'un ingé son qui a réalisé le mixage stéréo de différentes prises de son d'instruments X ou Y, en y captant à la fois l'acoustique du lieu, par des techniques très variées.
C'est un point sur lequel tu as tort, car tu ne décris qu'
une manière parmi d'autres de produire un phonogramme stéréophonique en deux canaux. Qui peut d'ailleurs être diffusé sur autre chose qu'un CD : une cassette audio, un DVD, un vinyle, un fichier téléchargeable, etc : ne mélange pas méthode de diffusion, techniques de prise de son et techniques de production, qui sont trois choses différentes !
Quant à ton objection au sujet du rayonnement des instruments :
indien29 a écrit:Il faut copier le rayonnement global de l'instrument dans toute ses directions, sinon, entre le son original et sa copie, il y aura des différences de timbres en se déplaçant déjà de quelques centimètres, le son sera différents en tout point de la pièce.
indien29 a écrit:si tu as tout lu, tu as compris que je parle d’un comparatif qui est impossible, une enceinte ne donne pas comme l’instrument, le rayonnemt n’a rien à voir
Dès les années 60 (au moins), l'objection que tu soulèves était connue et il a été compris, et pas seulement par Cabasse, (on peut aussi citer Eric de Lamare, qui a travaillé sur la comparaison réel/reproduction à l'ORTF) que l'objectif ne peut pas être de reproduire le rayonnement des instruments, ce qui reviendrait logiquement à reproduire les instruments eux-mêmes.
Non. G. Cabasse a cherché à reproduire le front d'onde qui passe par le plan dessiné par les microphones de prise de son et qui se propage vers l'auditeur. C'est une forme d'échantillonnage spatial. Et très tôt, il a estimé qu'il fallait dépasser deux canaux pour augmenter la résolution de cet échantillonnage. Ainsi, à l'époque où les techniques quadriphoniques sont apparues, il a estimé (Il l'a dit publiquement, cela a été entendu par des tiers, qui l'ont écrit.
Cf. plus haut.) qu'alors qu'on avait commencé à faire de la quadriphonie en extrayant des informations matricielles de prises de son en deux canaux, en mettant trois enceintes devant et une derrière l'auditeur, ou bien deux enceintes devant et deux derrière, il était préférable de placer les quatre enceintes devant l'auditeur pour reproduire quatre canaux discrets (chacun des canaux reproduisant ce qu'avait enregistré un microphone sur quatre). Nous savons également par M. Philippe Muller, qui en a été un des acteurs, que Cabasse a essayé des techniques de prise de son multicanales compatibles avec la norme ITU appliquée pour le cinéma à la maison, ce qui aurait été la position la plus profitable du point de vue commercial, mais que des essais de comparaison musique vivante/reproduction ont incité à ramener toutes les enceintes vers l'avant, ou au pire latéralement pour ce qui est des enceintes les plus proches de l'auditeur, ce qui a donné la pentaphonie.
Un microphone installé quelque part capte les mouvements de l'air, les variations de pression
qui frappent sa capsule au point de l'espace où il est placé. Ce qui se passe à côté de l'instrument, devant lui, derrière lui, au-dessus de lui, en-dessous de lui, un peu au-dessus de travers, un peu en dessous juste en avant, dans le coin arrière gauche derrière lui, etc.. : rien de tout cela ne concerne le microphone, qui ne fait que mesurer le mouvement de l'air au point de l’espace où il est situé. Ce qui passe par ce point de l'espace peut être du son émis directement par l'instrument dans la direction du microphone, une réflexion du son envoyé par l'instrument dans une autre direction et qui est réfléchi par une paroi, le plafond, un élément de mobilier, peu importe, et qui revient vers le microphone. Ce qui passe par ce point de l'espace peut être un mélange du son direct et de toutes les réflexions possibles et imaginables. Peu importe : tout cela produit à l'instant t une pression de l'air et une seule qui est captée par le microphone au point où il est situé. Il ne peut pas physiquement y avoir deux ou plus pressions différentes au même moment au même point de l'espace où est placé la capsule du microphone. Il n'y en a qu'une à chaque instant.
Or, pour Cabasse,
l'enceinte acoustique est un microphone à l'envers. Microphones et enceintes acoustiques sont des transducteurs qui captent et reproduisent respectivement le mouvement de l'air au point où ils sont placés.
On comprend donc aisément que cette conception condamne toutes les techniques d'enregistrement multi-microphoniques qui ont pour effet de ramener en un point de l'espace de reproduction (l'enceinte acoustique) ce qui a été capté en plusieurs points différents de l'espace d'enregistrement (plusieurs microphones mixés en un seul canal). L'une des conditions de validité de l'expérience de comparaison entre réel et reproduction telle qu'elle était menée par Cabasse est donc l'emploi d'autant d'enceintes que de microphones et l’homogénéité de leur disposition respective dans l'espace de reproduction et l'espace d'enregistrement, sous peine d'introduire des distorsions géométriques au stade de la reproduction.
J'ouvre ici une parenthèse.
Il n'y a aucune opposition de principe à écouter sur les systèmes stéréophoniques à deux canaux (les plus courants et les plus populaires) conçues et installés dans les conditions spécifiées par Cabasse des phonogrammes en deux canaux (expression large qui permet de désigner toutes œuvres musicales produites et diffusées pour être écoutées sur deux enceintes) qui ne soient pas produits pour répondre aux critères spécifiées par Cabasse.
Pourquoi ? Parce que, par convention, chez les particuliers comme chez les professionnels de l'enregistrement, du mixage et du mastering, les deux enceintes sur lesquelles les œuvres sont respectivement écoutées et contrôlées sont disposées d'une manière homologue : elles sont toujours disposées devant l'auditeur, écartées d'environ 2/2,5 m à 4 mètres, pour former avec l'auditeur un triangle équilatéral ou isocèle. Cela est toujours vrai (sauf exceptions sans intérêt et tout ce qui est produit uniquement pour l'écoute au casque) quelle que soit la façon dont les artistes sont enregistrés, quelle que soit la façon dont les sons sont créés ; que plusieurs pistes, qu'elles proviennent ou non de microphones, soient mixées entre elles pour être réduites sur un seul canal. Quelle que soit la manière dont un enregistrement est réalisé (arbre Decca, couple ORTF, etc...), quelle que soit la manière dont un phonogramme est produit, y compris si le son est créé électroniquement, de manière complètement artificielle, il est toujours contrôlé, en définitive, sur des enceintes disposées, grosso modo, de la même manière que sont disposées les deux enceintes dans les expériences de comparaison réel/reproduction telles qu'elles étaient menées par Cabasse. Il y a donc une compatibilité totale, pleine et entière qui est possible entre tous les modes d'enregistrement et de production de phonogrammes. On peut écouter sur un système stéréo deux canaux conçu pour réussir une comparaison réel/reproduction à partir d'un enregistrement lui-même réalisé dans des conditions qui permettent de réussir l'expérience n'importe quel autre programme sonore qui n'est pas réalisé selon ces conditions.
L'inverse n'est pas forcément vrai, car la comparaison réel/reproduction a justement pour but de déterminer les enceintes acoustiques qui présentent les qualités techniques nécessaires pour réussi une telle comparaison. Les enceintes acoustiques qui n'ont jamais été confrontées au réel et que l'on pourrait trouver dans le domaine professionnel pour la création des œuvres sonores ou chez le particulier n'ont pas forcément ces qualités. En tout cas, on n'en sait rien.
Fin de la parenthèse.
À ta légitime question :
indien29 a écrit:La question sous jacente est : à quoi la hifi doit être fidèle ?
Cabasse a donc répondu : À l'échantillonnage spatial au moyen de microphones appropriés de la propagation du front d'ondes sonores vers l'audience (définition libre de droit que je viens d'inventer).
Évidemment, n'importe quel ingénieur affirmera que toute conception technique n'est que le compromis, le meilleure possible, pour parvenir aux résultats imposés dans le cadre des contraintes auxquels l'ingénierie est soumise.
Rien n'est jamais parfait ou parfaitement conforme à l'idéal théorique.
C'est pour cela que j'ai déjà employé ici l'expression de conditions de validité, ou de limites de validité de l'expérience. Cabasse a défini les conditions de validité d'une comparaison réel/reproduction d'un bout à l'autre de la chaîne, de la prise de son à la reproduction. Un travail que bien peu d'entreprises du secteur de la hifi ont effectué. En tout cas, bien peu ont travaillé et communiqué sur l'ensemble de la chaîne de production et de reproduction du son. Parmi les conditions de validité de l'expérience, il y a
aussi le volet acoustique (car le son ne se conçoit pas indépendamment d'une acoustique dans laquelle il se propage), que ce soit celle de l'espace d'enregistrement ou celle de l'espace de reproduction, qui sont, dans le cas de la comparaison réel/reproduction, confondues.
Elle a aussi défini les caractéristiques techniques du matériel de captation et de reproduction nécessaires pour réussir la comparaison. Parmi ces caractéristiques, l'exactitude du niveau sonore et son identité au niveau sonore produit par la source tiennent une place très importante.
Etc..., etc...
En tout cas, pour moi, une chose est certaine : Cabasse n'a jamais cherché à reproduire fidèlement le rayonnement dans l'espace d'un ou de plusieurs instruments, ce qui, comme je l'ai déjà écrit, équivaudrait à reproduire les instruments eux-mêmes, indépendamment d'ailleurs de l'environnement acoustique où ils sont placés. Non. Dans ces expériences de confrontation réel/reproduction, il s'agit de reproduire le front d'ondes qui se propage vers l'audience.